- Yo mina !
Je venais de pénétrer dans nos quartiers à la JE et après cette salutation, je m’effondrai sur le sofa, utilisant les cuisses de Nino comme oreiller. Il ne manquait plus qu’Aiba pour commencer une nouvelle journée marathon réunion-répétition-tournage, et cette nuit j’avais une nouvelle scène de Maou à tourner. Tout ce que je savais, c’était que j’allais me faire coller au mur par un acteur qui jouait le fils de ma première victime. Vue l’importance du rôle et que personne ne m’avait dit de qui il s’agissait, ce devait sûrement être un petit jeune qui espérait percer dans le métier un jour.
Marre, j’étais crevé et je n’arrivais pas à sortir le boulot de mon esprit. Il faut dire que c’était une première, un tel rôle dans un drama ; heureusement que je partageai la vedette avec Toma, au moins je n’étais pas en terrain totalement inconnu. La pensée de retrouver peut-être mon kohai ce soir, me relaxa et je pensai que j’allais enfin m’endormir, bercé par le bruit des pages du journal de Sho et des petites exclamations que mon oreiller laissait échapper quand ses personnages virtuels ne lui obéissaient pas. Pourtant, quelque chose me fit frissonner, je me sentais épié et je réalisai que je n’entendais pas Jun. Il était pourtant dans la pièce quand j’étais entré... Était-ce lui qui me transperçait ainsi ? Je desserrai les paupières et vis son regard sombre me fixer froidement.
Je n’étais pas idiot et je voyais bien qu’il prenait sur lui ces derniers temps pour ne pas me cracher aux visages toute sa souffrance. En ce moment, je n’avais pas une minute à moi, lui non plus, et nos derniers moments d’intimité remontaient à… Ah oui, quand même...
- Riida, Ma-chan est arrivé, faut qu’on aille au studio de danse.
J’ouvris péniblement un œil et vis le visage taquin de Nino au-dessus de moi.
- Allez, bouge de là… J’ai envie d’une clope avant de commencer.
Je me redressai et Nino s’éclipsa, me laissant seul dans la pièce. Je pris le temps de m’étirer consciencieusement puis rejoignis les autres quelques minutes plus tard dans la salle où ils étaient en train de s’échauffer, Nino comme les autres.
- Ta clope ?
- Il s’est fait piqué par Jun en route, m’expliqua Aiba.
Je me tournai vers mon amant et lui lançai un sourire. Il me le rendit doucement avant de se replonger dans ses exercices.
Quelques heures plus tard, j’étais sur le tournage quand je découvris que celui qui me donnait la réplique ce soir-là était Nino. J’étais content, ça allait aller vite avec lui, pour peu que moi je m’applique. Selon moi, Nino et Jun était faits pour jouer mais la grande différence entre eux, c’était que le premier appliquait à la lettre l’expression vite fait bien fait, alors que le second voulait toujours plus de perfection et était capable de reprendre dix fois, même quand la première était la bonne. Nous venions de terminer quand le gamer sortit son jeu de carte et me lança, tout en battant son jeu de manière experte :
- Tu fais quoi après ?
- Je rentre. Pourquoi ?
- Chez tes parents ?
- Evidemment… Tu voulais me proposer quelque chose ?
- Je pensais juste que J était seul ce soir et que ça fait un moment que vous n’avez pas passé du temps seuls tous les deux non ?
Comment il savait ça lui ? Même si nous étions proches, nous n’avions pas l’habitude de nous épancher les uns sur les autres, si ? Enfin, il est vrai qu’il s’agissait de Nino et Jun et que ces deux-là avaient une relation entre amour et haine qui me laissait encore perplexe. Ils aimaient à se chercher des poux mais étaient toujours prêt à sauter à la gorge de celui ou celle qui ferait du mal à leur alter ego. Pendant les premières années où nous nous étions fréquentés Jun et moi, je savais que Nino n’était jamais loin, mais maintenant j’avais eu l’impression qu’ils s’étaient éloignés. De toute évidence, pas autant qu’il m’avait semblé.
- C’est pas de ma faute ; avant j’avais mon expo et lui aussi il est occupé…
- C’est pas un reproche, Riida, c’est juste une constatation. Et je suis certain que ça vous ferait du bien de passer quelques heures ensemble cette nuit. Allez vas-y, je suis sûr qu’il t’espère…
***
Il me manquait. Mais je ne pouvais pas vraiment le lui reprocher puisque cette année il était encore plus sollicité que moi… enfin, dans une certaine mesure. Jusqu’à il y a peu, je n’avais pas été très présent à cause de Hanadan et de mes autres films et téléfilms. Lui avait eu son exposition à préparer et maintenant tournait son premier drama en tant que personnage principal. Sans compter tous les projets du groupe qui nous réunissaient ou nous séparaient temporairement. Il fallait aussi compter le 24h auquel nous allions participer pour la seconde fois, la tournée, les albums et… la préparation de nos 10 ans. Oui, on était tous surbookés, mais lui… n’était plus jamais chez moi ! La dernière fois qu’il y avait passé plus de deux trois heures, c’était quand on avait fêté la fin du tournage de mon film à mon retour des Etats Unis… Et cela datait de début mars.
Depuis, j’avais dû faire la promotion de deux films et je venais de terminer le tournage du drama pour le 24h, alors si il était occupé… moi aussi; mais chaque fois qu’il me l’avait demandé, j’avais été là MOI ! C’était lui qui partait … toujours.
Ce matin, quand il était arrivé dans notre loge après avoir passé la nuit chez ses parents, il ne m’avait même pas approché, préférant se vautrer sur Neen qui cogitait derrière sa DS. Ce dernier m’avait lancé un regard compréhensif mais n’avait pas délogé mon homme de ses cuisses. Je n’avais aucune raison d’être jaloux, connaissant mon ami par cœur. Mais je connaissais aussi mon amant et je ne pouvais m’empêcher de me demander s’il n’avait pas trouvé quelqu’un d’autre pour soulager ses besoins. Je voulais qu’il me rassure et il ne le faisait pas.
Hier soir, j’avais espéré encore sa venue, surtout quand j’avais entendu du bruit devant la porte de mon appartement. Je m’étais précipité pour ouvrir, laissant toute prudence de côté et était tombé nez à nez avec… Nino. Ce dernier avait été surpris par ma rapidité puisqu’il avait encore la main à quelques centimètres de la sonnette quand je l’invitais à entrer pour partager un dîner que j’aurais pris seul autrement et que lui aurait sans doute ignoré.
Quand j’étais revenu avec deux bières de la cuisine, je l’avais surpris à étudier mon intérieur. Je lui avais dit que j’étais à peu près sûr de n’avoir rien modifié depuis sa dernière visite et il me demanda si tout allait bien avec Satoshi en retour. Son regard inquiet avait été la goutte d’eau qui avait fait déborder mon vase émotionnel trop rempli et j’avais fondu dans ses bras, lui avouant combien Il me manquait. Nino avait souri, envoyé un mail et passé la nuit chez moi.
Ce soir ressemblait à hier sauf que Nino m’avait promis de passer dès son travail terminé. Quand la sonnette avait retenti, j’étais allé ouvrir et je m’étais retrouvé face à une silhouette dont seule la taille correspondait à celle de mon ami.
- Tadaima, murmura mon amant.
- Okaeri.
Sans perdre plus de temps, nous étions dans les bras l’un de l’autre, cherchant dans l’urgence à rattraper le vide créé par ces derniers mois.
(…)
- J’y vais.
- Pourquoi ? Tu as dit que tu ne travaillais pas avant quatre heures cet après-midi et moi je n’ai rien aujourd’hui.
- J’ai pas prévenu maman que je ne rentrais pas cette nuit… marmonna Satoshi.
Sa mère ??!!! C’en était trop ! Sa mère était la première pour ne pas dire la seule raison de nos disputes et là, après quelques trop courtes heures de retrouvailles, elle apparaissait ?
- Toshi, t’as plus 10 ans. T’es un homme. T’es pas obligé de prévenir ta mère à chaque fois, si ?
- Je ne veux pas qu’elle me prépare mon repas pour rien, Jun. Et je vis chez elle, c’est normal qu’elle s’attende à ce que je sois là si je ne la préviens pas.
C’était ça le problème, il vivait encore chez ses parents et parce qu’il y vivait je passais toujours après eux. J’avais parfois envie de lui crier tout ce que j’avais sur le cœur mais j’avais peur qu’il m’abandonne et je n’avais pas envie de l’affronter alors même si tout ce que je désirais c’était qu’il reste toute la nuit, qu’il me serre dans ses bras un peu plus longtemps, qu’il prenne son petit déjeuner avec moi pour que je puisse sourire à ses Umaï… je murmurai :
- …Itterashai.
- Eh ???
- Vas-y rentre chez ta mère, soupirai-je. De toute façon, tu ne fais jamais que ce que tu veux alors…
- A demain, mon amour. Je t’aime.
Sur ces mots, il sortit de la pièce, terminant de rassembler ses vêtements éparpillés entre l’entrée et mon lit, et bientôt j’entendis la porte d’entrée claquer. L’appartement sombra dans un silence de mort pendant que je me noyais dans mon chagrin avant de perdre conscience.
Quand j’ouvris les yeux, le jour filtrait malgré mes rideaux et un coup d’œil au réveil posé sur ma table de chevet m’apprit que la matinée n’était plus qu’un lointain souvenir et que l’après-midi était bien entamée, cependant je me sentais mieux, plus reposé.
Je m’étirai longuement et m’extirpai de mon lit avant de glisser sous la douche. Une fois habillé, je m’étais lancé dans la préparation d’un repas léger. Soudain je repensai aux derniers mots de Riida cette nuit. Il avait annoncé sa venue, il viendrait sûrement après son travail et le connaissant… il aurait faim. Je me lançai le sourire aux lèvres dans la confection de son plat favori.
***
En déposant Riida hier soir devant la porte de l’immeuble de Jun, j’avais eu le sentiment du devoir accompli et je ne pensais vraiment pas retrouver Riida ce matin dans notre loge à la JE. Je savais que Jun était en congé et Riida n’avait aucune raison de venir ici ce matin puisque J aurait pu l’emmener directement sur les plateaux de tournage de son drama à l’heure souhaitée.
- Riida ?
- Ohayô, Nino. Pourquoi cet air surpris ?
- Je te pensais encore chez Jun. Après tout, c’est là-bas que je t’ai laissé aux petites heures…
- Matsuura-san est venu me chercher à la maison tout à l’heure.
A la maison ? Riida n’avait jamais appelé la maison que celle de ses parents. Mais pourquoi était-il là-bas ? N’avait-il pas perçu ce que même moi j’avais ressenti : la détresse et les peurs de Jun ? Riida m’avait toujours semblé égoïste dans ses décisions envers Jun et une fois de plus cela se vérifiait. Je sortis de la pièce et tentai de joindre Jun sur son portable sans succès. Il n’était pas très tard et je ne voulais pas le réveiller un jour de congé, je laissais tomber momentanément pour aller au studio photo pour mon premier travail de la journée. Aujourd’hui, mon programme se réduisait à trois choses : ce matin, j’avais le shooting et un passage au studio d’enregistrement pour une chanson. En sortant de ce dernier, j’avais été happé par Manager-san. Il m’avait embarqué manu militari dans sa voiture et nous nous étions retrouvés dans un petit restau qu’il aimait fréquenter. Là nous avions retrouvé Ryo-kun et son propre manager. Mon kohai souriait de toutes ses dents et je mis un moment à comprendre que c’était parce qu’il était heureux de jouer avec moi dans le prochain drama où j’avais obtenu la tête d’affiche. En sortant du restaurant, alors que je sortis mon téléphone dans l’intention de renouveler mon appel, je découvris que Jun m’avait laissé un message. Il allait bien et nous nous verrions le lendemain pour les répétitions de danses. De retour à la Jimusho, je travaillais avec Sho-kun sur notre futur album anniversaire, puis rentrais chez moi, me doucher, avant de retrouver pour la soirée et la nuit la fille que j’avais décommandée deux jours plus tôt.
C’est donc de très bonne humeur que je me rendis à la réunion préparatoire du drama ce matin. Celle-ci avait été programmée à la dernière minute et me faisait manquer une demi-journée de répétition de danse. Et en arrivant à l’heure de la pause, je savais qu’il ne me resterait plus qu’à mettre les bouchées doubles et demander un petit coup de main à Riida en cas de difficulté. Quand j’arrivai dans notre salle de repos, un silence anormal régnait en prenant en compte la présence de Masaki. Ce dernier avait la tête plongée dans son bento, tout comme Riida, mais son sourire habituel avait disparu. L’autre absent était Jun et quand je constatai la présence de deux boites non ouvertes sur la table, j’eus la confirmation que quelque chose clochait.
- Où est J ? demandai-je en me posant face à Oh-chan.
- Chez lui… je suppose, grogna le goinfre face à moi.
- Sho ? Qu’est-ce qu’il se passe ? murmurai-je à mon voisin
- Je ne sais pas exactement, me répondit-il sur le même ton.
- Ninomiya, au lieu de te mêler de ce qui ne te regarde pas, déclara Ohno, si tu as fini de bavasser tu devrais aller t’échauffer sans tarder. Ça suffit avec l’autre et ses caprices de diva.
Une fois dans le studio de danse, je compris rapidement pourquoi le silence régnait tant tout à l’heure. Entre la lourdeur de l’atmosphère et le train d’enfer auquel Riida dirigeait les chorégraphies, Ma-chan devait être épuisé. D’ailleurs au bout de trois heures de tortures, il déclara forfait et Oh-chan nous libéra, déclarant qu’en l’absence de Jun il était inutile de prendre trop d’avance et qu’il devait se reposer avant d’aller sur le plateau de Maou pour la nuit.
Il fut le premier à partir et alors que Masaki avait filé sous la douche, je coinçai Sho pour en savoir plus.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? J’ai eu Jun hier après-midi et il m’avait dit qu’il serait là aujourd’hui.
- Il était là, c’est vrai, à mon arrivée. De très mauvaise humeur, mais là. Et puis Riida s’est pointé avec son air…
OK, je voyais ce qu’évoquait Sho : les yeux dans le vague, l’air endormi et le sourire aux lèvres.
- Et ?
- Matsujun l’a attrapé et entrainé vers les vestiaires. Aiba-chan est arrivé et nous nous sommes dirigés à notre tour par là-bas ; c’est là que Jun en est ressorti, toujours en tenue de ville et dans un état qui frôlait l’implosion. Quand j’ai voulu l’arrêter, Masaki m’a retenu en me disant qu’il ne voyait que toi pour le calmer mais tu n’étais pas dispo alors on lui a demandé de rester et de nous attendre. Malheureusement, trois minutes plus tard il n’était plus là. Notre chance, c’est que c’était son manager qui l’avait emmené ce matin donc il est reparti à pied.
- Vous l’avez appelé ?
- Juste avant que tu n’arrives et il n’a pas répondu, mais tu le connais…
- Justement. Et la cause de sa rage ?
- Riida, c’est sûr. Mais pourquoi… Satoshi a dit qu’il faisait un caprice et ensuite il s’est emmuré dans son silence avant de nous faire suer sang et eau.
- Jun ne fait pas un caprice Sho-kun. Il n’avait pas le moral il y a deux jours, je crois que lui et Riida ne se voient plus assez ces derniers temps.
- Mais Satoshi bosse comme un dingue… et il est crevé.
- Et Jun aussi, mais il ne s’en plaint jamais. Il est à bout je crois.
Je composai le numéro de Jun et n’obtint pas plus de réponse que Sho et Aiba quelques heures plus tôt. Je décidai alors d’aller voir sur place, promettant à Sho et à Aiba qui était sorti de la salle de bain de les tenir au courant. J’avais du temps et un jour de repos demain… S’il le fallait, je sacrifierai mes jeux au profit de Jun.
Dès ma douche prise, je filai sans demander mon reste en direction de l’appartement de ce dernier. Arrivé devant sa porte, je perçus des bruits venant de chez lui mais j’eus beau sonner et tambouriner, il ne répondait pas. Je sortis mon trousseau et regardai un moment l’une des clés accrochées à celui-ci. C’était celle qui ouvrait la porte en face de moi. Jun et moi avions échangé nos clés depuis le jour où j’avais eu mon premier studio, jamais nous ne les avions utilisées pour autre chose qu’arroser les plantes en cas d’absence prolongée. Mais là, j’étais inquiet, alors devais-je l’utiliser ou non ? Je sonnai une nouvelle fois à la porte sans plus de succès que les fois précédentes et je me décidai à insérer la clé dans la serrure. C’est alors que je m’appuyai sur la poignée et qu’elle s’abaissa, la porte s’entrouvrant. Je n’hésitai plus et pénétrai dans le logement en m’annonçant.
Après avoir récupéré une paire de mule dans l’entrée, je pénétrai dans le domaine de mon ami, constatant son éclatante propreté et découvrant sur la table divers plats, plus appétissants les uns que les autres. L’indice était suffisant pour que je gagne la cuisine où je découvris mon cadet, tablier à la taille et MP3 sur les oreilles, en train d’œuvrer.
Je ne connaissais qu’un moyen pour arrêter Jun. J’attendis qu’il ôte ses mains du couteau qu’il tenait et m’approchai pour tirer sur l’un de ses écouteurs.
- J…
- Nino ? Qu’est-ce que tu fous là ? La journée est finie ?
- Oui, même s’il n’est que quatre heures. Arashi n’était pas au complet… Et toi… tu fais quoi ?
- Je faisais juste un peu de cuisine pour me détendre…
- Jun…
Je lui montrai les plats qui trônaient sur la table de sa cuisine avant de l’entrainer vers le salon et lui indiquant le reste.
- Maintenant arrête-toi et dis-moi ce qu’il y a…
Il se ferma comme une huître ; j’avais été trop direct mais j’en savais à la fois trop et pas assez alors je n’avais pas le choix…
- Jun qu’est-ce qu’il se passe avec Riida ? Il a essayé de nous tuer à l’entrainement et toi tu sèches pour te lancer dans une frénésie ménagère. Tu veux quoi ? Attirer ton homme avec tes qualités domestiques ? Il les connait déjà tu sais.
Jun ne me répondit pas tout de suite et je l’entrainai dans la seule pièce confortable où j’étais sûr de ne pas trouver de nourriture : sa chambre. Nous nous assîmes au sol, nous adossant à son lit, et j’attendis que le barrage finisse de s’écrouler.
- … Peut-être, de toute façon il s’en fout. Il préfère vivre dans les jupes de sa mère plutôt qu’avec moi, prononça brusquement Jun avant de s’agripper à mes épaules et se cacher dans mon cou.
Je le laissai pleurer un long moment, puis quand ses sanglots s’espacèrent et il me raconta peu à peu ce qu’il ressentait.
- J’en ai eu marre Nino… J’ai posé une sorte d’ultimatum à la fin : sa mère ou moi… et je sais que je ne peux pas gagner contre Ohno-san, je l’ai toujours su…
- Flash-back par Jun –
J’avais attendu Riida une bonne partie de la nuit, jusqu’à ce que je reçoive un mail de sa part me souhaitant une bonne nuit. Il y avait joint une photo de lui et Ikuta un verre à la main. J’avais failli hurler de colère à ce moment-là mais comme il valait mieux être en forme pour ce matin, je me couchai et tentai avec un succès mitigé de trouver le sommeil. Au moindre bruit sur le palier, j’espérai sans doute que c’était lui qui venait me rejoindre mais… il n’est jamais arrivé.
Ce matin, je lui avais emballé dans une boite ce que j’avais préparé la veille et qui était resté intact puis Uehara-san était venu me chercher parce que j’avais une radio avant l’entrainement. C’est sur le trajet entre la radio et la Jimusho qu’il me raconta ce qui motiva ma colère. Matsuura-san l’avait appelé pendant que j’étais sur les ondes pour raconter la soirée mouvementée de Satoshi et Toma-kun et comment une fois qu’il ait eu raccompagné Riida chez lui, Ohno-san s’était précipitée pour récupérer son ivrogne de fils, lui promettant qu’il serait présentable ce matin.
Quand Satoshi était arrivé avec son air de poisson rouge heureux de son sort, j’avais vu rouge et je l’avais entrainé dans les vestiaires. Une fois à l’intérieur et les portes fermées à clés, Toshi avait laissé apparaitre son sourire sexy et s’était approché de moi avec son regard pétillant.
- Non ! lui avais-je dit quand il s’était approché.
Devant la froideur de mon ton, il s’était immobilisé et m’avait regardé avec surprise.
- Tu sais pourquoi j’ai ça ?
J’avais sorti de mon sac la boite contenant le dîner d’hier et une nouvelle fois ses yeux pétillèrent de convoitise.
- Parce que tu m’aimes, tenta-t-il.
- C’est surtout parce que tu n’es jamais rentré hier…
- Hé ??
- Je t’attendais … et tout ce que j’ai reçu de toi, c’est une photo où tu me montrais combien tu t’éclatais avec Toma-kun… dis-je déprimé.
- Mais… on était avec tout le staff et quand ça s’est terminé, il était super tard et du coup plutôt que de faire trop d’aller-retour, j’ai juste préféré rentrer à la maison directement. J’ai bien vu combien tu étais déçu que je ne dorme pas toute la nuit avec toi hier en rentrant à la maison et comme maman m’avait dit que ce matin elle me ferait des pancakes pour le petit déjeuner…
Sa mère encore et toujours sa mère… J’en avais marre. Elle me pourrissait la vie insidieusement, me prouvant à chaque fois combien elle connaissait mieux son fils que moi. Combien il l’aimait plus que moi puisqu’il m’abandonnait dès qu’elle l’appelait… La colère qui avait reculé un peu plus tôt reprit possession de moi et je lâchai les mots que j’avais si longtemps retenus.
- C’est ça le problème Satoshi, tu vis ENCORE chez tes parents alors que tu vas avoir 28 ans et que tu as un petit ami ! Tu trouves ça normal de préférer tes parents à moi ?
- Oui parce que je vis chez eux Jun. Je t’aime mais c’est ma mère !
- Ouais c’est ça… Et quand elle te mariera à une gentille jeune fille, tu m’abandonneras parce que tu peux pas lui dire non ! Satoshi, je t’aime mais j’en ai marre ! J’en ai marre de passer toujours après elle ! J’en ai marre d’avoir peur de te perdre. A chaque fois que tu pars de chez moi, je me demande si tu reviendras. S’il te plait fais quelque chose ! Prends une décision ! Chez elle ou chez moi.
- JUN ! Arrête tes caprices ! Tu peux pas me demander ça.
- Si, et en attendant que tu te décides, je pars !
- Fin du Flash-Back –
- Voilà ! Tu sais tout. Ensuite je suis rentré à pied jusqu’ici et j’ai un peu nettoyé pour passer mes nerfs.
- Un peu ? Jun… On doit pouvoir s’admirer dans ta baignoire comme sur tes miroirs… T’as même fait l’extérieur de tes vitres… ajoutai-je en jetant un coup d’œil à sa fenêtre où le soleil couchant étincelait.
Il était déjà aussi tard ? C’est alors que je pensai à tous les plats qui attendaient de l’autre côté de la porte et mon ventre émit un grognement qui surprit Jun.
- T’as faim ?
- Un peu… pas toi ?
- Si c’est vrai mais…
- Avec l’ambiance dans la loge ce midi, j’avais vraiment pas le cœur à ouvrir mon bento et…
- Allez, viens.
Jun se releva et me tira sur mes deux pieds. Bientôt nous fûmes attablés, et bien que nous ne pûmes avaler ne serait-ce que le dixième de ce qui était à notre disposition, j’eus l’impression d’avoir bâfré comme au Nouvel An. Nous prîmes le temps d’emballer ce qu’il restait, nous promettant de les apporter le lendemain au foyer des juniors où le festin serait accueilli comme il se doit, puis, comme deux nuits avant, Jun et moi nous couchâmes côte à côte.
Le lendemain et les jours suivants, Jun ne me lâcha que pour nos activités solos et il n’y eut que pendant nos émissions et les concerts qu’il acceptait de regarder Oh-chan en face. Comme promis, j’avais informé Sho de la situation le lendemain. Après une semaine de guerre froide entre nos deux collègues et amis, il m’avait dit qu’il parlerait à notre chef. De mon côté, j’avais essayé de raisonner Jun à plusieurs reprises, mais il restait ferme dans sa décision de quitter Ohno s’il ne le choisissait pas. Et pourtant il en souffrait, et j’avais parfois l’impression que s’il s’accrochait autant à moi c’était pour ne pas se laisser couler. Grâce à lui, j’avais trois repas équilibrés par jour. Mais j’avais dû lui rappeler que contrairement à Riida, j’étais allergique à certains fruits de mer alors que, plus ou moins consciemment, il s’entêtait à préparer les plats favoris de notre chef le jour où je ne pus refiler ses plats à l’un de nos amis.
***
C’était la deuxième fois cette semaine que Nino m’avait pris à part pour me demander de parler à Riida mais je n’arrivai pas à trouver quand entre mon emploi du temps surbooké et celui de notre aîné. Mais quand il m’apporta un bento maison contenant des coquillages que, tout comme notre leader j’appréciais mais qui l’aurait rendu définitivement inapte à toute activité pendant plusieurs jours, je le regardai étrangement. « C’est Jun… » me dit-il, avant d’ajouter que si je ne le finissais pas, c’était à lui que Jun ferait les reproches. Le soir même, j’entreprenais Ohno-kun pour que nous passions une soirée ensemble.
Nous nous retrouvâmes au Storm, un petit bar qui, s’il ne payait pas de mine, nous permettait de nous retrouver en toute tranquillité sans risque d’être importuné même en restant au zinc. Mais ce soir, j’avais demandé au patron de nous servir non seulement à boire mais aussi de quoi grignoter à notre table au fond de la boutique. Quand Riida arriva, il fronça les sourcils devant la table bien garnie et je le sentis à deux doigts de filer si l’odeur et la vue des takoyakis n’avaient pas déclenché un grondement de son estomac.
- Riida assieds-toi s’il te plait.
- Sho, si on est là pour se détendre alors festoyons, mais si c’est comme je le devine pour commencer à parler de mes problèmes avec Jun alors je n’ai qu’une chose à dire, c’est mêle-toi de tes fesses !
Bon, on était mal parti et je dus grimacer à sa remarque parce qu’en voyant ma tête il ajouta qu’il allait boire sa bière, manger et rentrer chez lui.
- Mange, je t’en prie, Riida… pendant ce temps laisse-moi parler, contrai-je.
- Ok, dozo.
- Riida, juste une question, est-ce que tu sais pourquoi Jun t’a mis devant cet ultimatum ?
- Nan. Pourquoi est-ce-que je devrai choisir entre ma mère et lui ? Les sentiments sont complètement différents. Lui je l’aime parce qu’il est lui, maman parce qu’elle m’a mise au monde. Comment peut-il faire ce genre de caprice ?
- Et si ce n’était pas un caprice ?
- Eh ? Comment tu peux dire un truc pareil ?
- Parce que Jun est mal. Mets-toi deux minutes à sa place. Comment tu réagirais si c’était toi qui le voyais partir presque à chaque fois au petit matin ou avant pour aller finir sa nuit ou prendre son petit déjeuner chez sa mère ?
- Mais Sho, c’est là-bas que je vis. C’est beaucoup plus facile que d’être seul. J’ai mon espace à moi là-bas. Les parents m’ont même laissé une pièce complète pour mettre mon atelier. Et puis toi aussi tu vis encore chez tes parents.
- Oui, mais contrairement à toi, je n’ai pas de relation sérieuse avec une personne et ce depuis plusieurs années. Alors, c’est vrai que je vis chez mes parents, mais mon studio est à l’écart de la maison. En fait, j’ai tous les avantages de l’indépendance sans les inconvénients. Le ménage est fait, et, quand j’en ai envie, je prends mes repas avec la famille. Mais autrement, les seules obligations ce sont les repas hebdomadaires en sachant qu’à cause du travail je ne peux pas toujours y être. Tu sais, si je sortais avec quelqu’un aussi sérieusement et depuis aussi longtemps que vous deux… je crois que j’aurais fait comme les trois autres et cherché un appart’ à moi.
- Mais pourquoi ? Tu l’as dit, on a tous les avantages, pas les inconvénients.
- Oui, pour toi, pour moi, mais par pour ton partenaire. Et c’est ça qui coince tu ne penses pas ?
- Mais ma mère… elle a déjà du mal à accepter mon orientation sexuelle, tu le sais Sho. En habitant chez elle, je la rassure aussi. Et si je vivais avec Jun elle serait toujours inquiète. Que se passerait-il si nous avions une nouvelle grosse dispute, ou que nous rompions ?
- C’est ce qui va arriver si tu ne trouves pas une solution Satoshi. Vous allez rompre parce que tu préfères ton confort familial à ta vie de couple.
- Je veux pas rompre, Sho. Mais je ne crois pas que quitter mes parents pour vivre avec Jun soit la meilleure solution. Ce serait déplacer le problème je crois.
- Réfléchis alors. Trouve-là quelque chose.
- Ouais… Je vais y penser…
Je savais que Riida avait dû commencer à réfléchir à ce problème parce qu’il avait accepté trop facilement. J’étais même presque sûr qu’il avait déjà dû trouver sa solution et c’était aussi pour ça que je voulais lui laisser du temps malgré l’insistance de Nino. Mais je savais aussi qu’il fallait à notre aîné l’impulsion qui lui ferait faire le premier pas dans sa décision.
- Au fait Riida, si je suis ici c’est parce que Jun va finir par empoisonner Nino en lui faisant avaler des palourdes.
- En fait, j’ai peut-être déjà une idée mais… Tu crois qu’il va pouvoir tenir un peu ?
- Du moment qu’on avale ses bentos, oui. Après tout, c’est toi leur véritable destinataire.
- Ça devrait pouvoir se faire…
Satoshi-kun était enfin détendu. Et nous finîmes la soirée très agréablement en buvant quelques verres avant de monter dans un taxi qui nous ramènerait chez nos parents respectifs.
***
Quelques jours s’étaient écoulés depuis que Jun-kun avait séché la répétition de danse et que lui et Riida ne se parlaient plus. Comme toujours, Nino faisait son possible pour Jun. Mais j’avais proposé ce soir-là d’aller nous détendre au Storm autour d’un verre. Juste tous les trois comme quand nous étions adolescents et Jun avait immédiatement accepté entrainant le gamer dans son sillage.
Nous étions à notre table et Jun descendait les verres à folle allure alors que Nino l’observait d’un air inquiet. A notre première rencontre, l’amitié entre ces deux-là m’était apparue presque fusionnelle malgré ce que pensait la majorité de nos camarades.
- Flash-Back : 1996 -
J’étais entré à la suite d’un professeur dans la salle de danse où s’échauffait un groupe de juniors. J’avais réussi mon audition quelques semaines plus tôt et j’intégrai ce jour-là un des cours de danse. Après quelques mots lancés à l’adulte qui surveillait le groupe, mon accompagnateur s’était éclipsé me laissant seul face à ceux qui devaient devenir mes nouveaux camarades. J’étais le plus grand en taille, et il me semblait être également le plus âgé. Celui qui s’avéra être mon professeur de danse tapa alors dans ses mains rassemblant en quelques instants ses troupes sur quatre lignes. Moi j’étais resté figé près de la porte et il m’appela, m’invitant à me présenter avant de me placer sur la seconde ligne entre ceux qui deviendrait trois ans plus tard mes plus jeunes compagnons de groupe.
- Ninomiya, Matsumoto, je vous charge de l’accueil d’Aiba-kun. Alors mettez vos gamineries de côté, et veillez à ce qu’il s’intègre.
Suite à ça, le cours avait commencé. Je m’efforçais de suivre les instructions, Jun m’encourageant, Nino crachant ses conseils sous forme de moqueries. A la première pause, Jun-kun m’avait présenté à certains de nos camarades pendant que Nino s’était écarté pour rejoindre son sac et en sortir un carnet dans lequel il s’était plongé jusqu’à la reprise.
C’était à l’heure du déjeuner que Nino et Jun s’étaient affrontés pour la première fois devant moi. Dès le signal de la pause donné, j’avais été entrainé par certains des garçons avec qui j’avais discuté précédemment. Bientôt nous avions entendu les bruits d’une dispute. C’était mes deux parrains qui s’invectivaient. Les autres me dirent de ne pas m’en mêler, m’expliquant que les garçons ne pouvaient pas se supporter. Ils s’interrogeaient également sur le bien-fondé de la décision de notre professeur pour m’avoir confié à eux et j’avouai me poser également la question. Quand un peu plus tard je partis aux toilettes, je surpris la conversation des deux compères et je réalisai que ces deux-là jouaient à un jeu étrange face à nos camarades.
- Jun-chan tu me fais mal !
- J’y peux rien. Si tu veux encore danser cet après-midi, j’ai pas le choix que de serrer plus la bande. Mais sérieux Kazu… J’ai été surpris de voir que tu faisais partie de l’équipe de baseball de ton école. Tu vas tôt ou tard être obligé de démissionner, non ?
- Peut-être… Mais c’est le seul endroit où j’y ai des camarades… et puis j’ai quand même été sélectionné dans l’équipe première alors que je ne suis qu’en première année.
- Je pense que tu vas devoir faire des choix, regarde tu t’es blessé pendant le match...
- C’est pas de ma faute ! Si le joueur de l’équipe de ton école n’avait pas pris mon pied pour une base…
- Ouais, mais…
C’est alors que j’entendis du bruit derrière moi, et surpris, je tapais mon pied contre la porte de la salle d’où provenaient les voix des ‘ennemis jurés’. Leur discussion s’arrêta immédiatement et deux secondes plus tard, Jun levait la tête vers moi.
- Tu espionnes maintenant ? me demanda-t-il tout en me tirant à l’intérieur de la salle.
Cette dernière s’avérait être une sorte d’infirmerie. Nino était assis, ses jambes pendant dans le vide et un pied déchaussé et bandé.
- Alors ? mordit ce dernier.
- … nan… si … enfin pas exprès. Mais je comprends pas. Les autres ont l’air persuadé que vous vous détestez…
- Les autres croient beaucoup de bêtises… déclara Nino.
- Comme… ?
- Comme que Nino serait jaloux du fait que je sois entré sans passer les sélections ; ou du fait que je sois dans un collège privé alors que lui est dans celui de son quartier.
- Mais la réalité est, que quand je suis arrivé la première fois dans la salle, j’ai raconté un gros crack à Jun et que ce dernier a commencé par le gober. Quand il s’en est rendu compte, il s’est fâché devant tout le monde. Et le malentendu est parti de là.
- …Parce qu’il a attendu que tous nos camarades soient partis pour venir s’excuser et s’expliquer… ensuite nous étions amis mais les rumeurs étaient déjà lancées.
- …Mais les gens sont bêtes, continua Nino. Tout le monde, ou presque, pense qu’on se déteste ; mais toi il t’a suffi de quelques heures pour découvrir la vérité. Je t’aime bien Aiba-kun, soyons amis si tu veux.
- Et tout à l’heure ? Pourquoi vous vous disputiez ?
- Jun m’a surpris à prendre un comprimé anti douleur… il s’inquiète pour rien… c’est une vraie mère poule pour ses amis, tu verras.
- Fin du Flash-Back –
Le fait qu’ils apparaissent comme se détestant aux yeux de l’ensemble des autres juniors, avait soudé leur amitié bien plus rapidement que tout autre moyen et celle-ci ne s’était pas démentie quand, au fil du temps, elle avait éclaté au grand jour, m’incluant d’office.
Jun prit soudain la parole, vidant son sac comme pour exorciser sa douleur.
- …Vous voyez les gars, on est les plus jeunes et on vit plus chez nos parents depuis longtemps maintenant. Même Sho-kun, d’une certaine manière, avec son studio, il vit tout seul. Mais Satoshi c’est différent. Il est totalement sous la coulpe de sa mère et il s’y complait. C’est ça qui m’énerve, c’est pour ça que j’ai craqué. C’est pas que je veux qu’il ne la voit plus, c’est juste que je veux le voir plus. Et puis, elle ne m’aime pas. Et Toshi, il voit rien du fait qu’elle fait de ma vie avec lui un enfer. S’il n’habitait plus chez elle, elle pourrait plus m’atteindre aussi facilement, j’en suis sûr…
Quand nous étions rentrés un peu plus tard, j’avais laissé un Jun bien éméché à Nino mais moi-même je n’étais plus très clair.
Les semaines s’étaient écoulées rapidement au rythme de la tournée et des répétitions pour le 24h terebi et nos concerts au Kokuritsu. Le froid entre Riida et Jun ne s’atténuait que lorsque nous étions en public, mais en privé il était toujours aussi glacial. Pourtant depuis quelques jours, il m’avait semblé que Riida essayait de faire un pas vers le benjamin. Mais celui-ci l’ignorait, tout à sa rancune. C’est après une répétition que Riida vint me demander mon aide un peu en désespoir de cause. C’est autour d’un agréable dîner qu’il m’expliqua son projet et que je lui offrais mon soutien, d’autant que pour une fois j’allais être aux premières loges.
(…)
C’était le jour de l’anniversaire de Jun et avec Nino nous avions réussi à le convaincre de sortir. C’était Nino qui se chargeait de nous véhiculer tous les trois, et nous avions fait une expédition à Chiba, nous arrêtant chez mes parents pour le déjeuner. Là, la première surprise que je réservais à Jun l’attendait sous la forme de la présence de ses parents, de sa sœur et de la famille de cette dernière. Quand l’heure du retour sonna, nous reprîmes le chemin de Tokyo tous les trois. Alors que nous étions dans les faubourgs de la grande ville, je demandai à Nino s’il acceptait de faire un détour par la zone portuaire où, racontai-je, j’avais repéré un appartement qui me plaisait. Cela n’étonna pas Jun puisque cela faisait quelques temps déjà que j’envisageais de déménager pour trouver plus grand. Nino prit alors cette direction plutôt que celle de mon appartement situé plus en centre-ville comme les leurs. Une fois arrivés devant un immeuble, je les invitais à me suivre et nous grimpâmes jusqu’au dernier étage.
- T’es sûr que c’est ici, me demanda Jun méfiant. De toute évidence ce n’est pas plus grand que celui que tu as actuellement et en plus tu es au dernier étage.
- J’en suis certain, répliquai-je avant d’entrer après avoir déverrouillé la porte.
Nous entrâmes dans une pièce qui était à la fois cuisine et salle de séjour et la sentence tomba immédiatement.
- Laisse tomber Aiba, me dit Matsujun. Cet appartement n’est pas pour toi. Tu as plus grand à l’heure actuelle et tu ne pourras jamais accueillir tes bestioles ici.
- Et pour moi, tu en penses quoi… ? demanda Riida qui sortit d’une des deux chambres qui complétaient le logement.
- Toi ? Sérieux ?
- Oui… moi… Ceci est la réponse que je donne à ton ultimatum. Elle te convient ?
- Toshi… tu as déménagé ? Vraiment ?
- Non. Pas encore… Mais j’ai déjà signé les documents et… Masaki tu peux me rendre la clé ?
Je tendis à Riida la clé qu’il m’avait confiée la veille pour que nous puissions pénétrer dans son logement aujourd’hui. Il l’accrocha à un leurre et tendit le tout à son amant avant de reprendre.
- … Jun je ne veux pas vivre chez toi, pas plus que je ne veux que tu vives chez moi, mais je veux que tu puisses y venir quand tu le souhaites sans avoir à sonner, alors tu veux ?
Riida attrapa la main de Jun. Celui-ci était figé et seul ses yeux bougeaient, passant du visage de notre Leader, à la clé qu’il venait de déposer dans sa main. Quand il s’anima enfin, nous le vîmes s’éclairer comme nous ne l’avions plus vu depuis des mois avant de se jeter dans les bras de Riida.
- Hum ! On pourrait peut-être s’occuper du gâteau et des cadeaux avant de se sentir vraiment de trop, grogna Sho qui avait déposé sur une table que je n’avais pas remarquée jusqu’alors de quoi festoyer.
- Ouais les gars, ce serait cool de vous retenir une demi-heure avant de fêter vos retrouvailles, ajouta Nino dont le sourire ému démentait la gouaille de ses paroles.
- Jun, O Tenjôbi Omedetto !