Forum de fansub, de traductions et de discussions françaises autour du groupe japonais Arashi. |
| Jeu 6 Juin - 16:09 | | | Lilie A.Ra.Shi Messages : 23
Age : 28
Localisation : Au sommet du Mont Fuji
Loisirs : Cinéma, J-Pop, Ecriture, Lecture, Netflix...
Humeur : La Satoshitude!
| Bonjour tout le monde ! Je sors de ma caverne des examens pour vous poster le premier chapitre d'une fanfiction que j'écris depuis maintenant plus d'un an "A nos âmes perdues". Cette fic regroupe Arashi, Kanjani8 et Yamapi, mais aussi plusieurs personnages OC. Petit synopsis: Ninomiya Nijie n'avait jamais demandé ce don, ni ses conséquences. Cela fait maintenant vingt ans qu'elle a quitté Tokyo et n'a pas eu de contacts avec sa fratrie: Kazunari, Michiko et Tsukiyo. Quand elle revient dans leurs vies, c'est avec la lourde tâche de tuer un fantôme de son passé... J'espère que cette fic vous plaira ! N'hésitez pas à me laisser un petit commentaire, ça me fera très plaisir ! - Spoiler:
Chapitre Premier.Partie I : Nijie.Selon Nijie, quelqu’un avait forcément dû accélérer le temps par pure plaisanterie à son égard, car les secondes semblaient s’écouler à vitesse grand V, tandis que ses pieds restaient plantés sur le béton, bien décidés à y sombrer. Autour d’eux, les gens passaient sans manquer de leur jeter des regards interrogateurs.
- On avait dit jusqu’à trois, Niji, tenta son voisin d’un ton agacé.
Nijie souffla et lança un regard noir à son ami. Tomohisa lui répondit par un grand sourire ironique, son regard malicieux caché derrière ses immenses lunettes de soleil. Nijie rêvait de les lui faire avaler.
- Si tu restes plantée là, non seulement ta venue ne servira à rien, mais en plus il finira par te voir quand il sortira. Donc autant entrer, ajouta Tomohisa, factuel.
Nijie souffla de nouveau, pour la forme. Elle inspecta une énième fois le bâtiment qui semblait grandir à chaque fois qu’elle y posait les yeux. Une aura menaçante s’échappait de la Johnny’s, et Nijie ne comprenait pas comment son ami pouvait y travailler tous les jours, ni comment elle-même allait survivre à sa nouvelle routine.
- Très bien Yamashou-sama, entrons dans l’antre du diable ! déclara-t-elle d’un ton faussement solennel avant de le tirer par le bras vers l’entrée du grand bâtiment.
Tomohisa rit et se laissa entraîner. Quand ils eurent passé la gigantesque entrée, Nijie eut déjà l’impression d’avoir franchi une montagne. Elle resta bouche-bée face au spectacle qu’offrait le hall. Des centaines de personnes marchaient dans tous les sens sans s’adresser la parole. Une vingtaine d’hôtesses d’accueil étaient assises en rang d’oignon sur des sièges haut perchés, accrochées au téléphone, le visage profondément concentré. Aucune couleur joyeuse aux alentours, aucun signe d’instruments de musique ou même de portraits des chanteurs qui faisaient le succès de l’entreprise. Depuis l’adolescence de Nijie, la Johnny’s s’était apparemment transformée en une véritable usine.
- Respire, et ferme ta bouche, on va te remarquer, lui souffla Tomohisa à l’oreille, avant de les diriger vers les ascenseurs qu’elle n’avait jusqu’ici pas remarqués.
Ils passèrent devant des militaires qui contrôlèrent leurs sacs, l’œil vide. Un objet appartenant à Nijie attira néanmoins l’attention.
- Qu’est-ce que c’est que ça, un taser ? demanda le militaire en sortant l’outil de prédilection de Nijie.
Le souffle de la jeune fille se coupa. Comment expliquer qu’il s’agissait là de son EMF, qu’elle avait construit il y de cela une quinzaine d’années, afin de pouvoir exercer sa profession ? Heureusement, Tomohisa vint à sa rescousse. Il prit l’objet des mains du militaire.
- Oh ça ? C’est à moi, c’est un détecteur de fausses notes. Très vintage.
Le militaire les inspecta du regard un moment, puis grommela pour les laisser passer. Ils se glissèrent dans l’ascenseur, enfin seuls.
- Faudra que tu m’apprennes ce tour, souffla Nijie de soulagement. - Oh c’est facile, rentre dans la Johnny’s avant tes vingt… ah non oublie, t’es déjà une vieille !
Nijie le gratifia d’un coup de coude dans le ventre.
- T’as trente-deux ans, la starlette, t’as que deux ans de moins que moi, je te rappelle ! - Moralement par contre, tu peux toujours passer les tests d’entrée…, répondit Tomohisa avant de glapir sous un nouveau coup. - On fait moins le malin, maintenant ? - Ce n’est pas digne d’une fille de s’abaisser à la violence. - Tu peux me dire depuis quand j’ai encore de la dignité ?
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent. Une voix aigüe émergea Nijie de sa transe.
- C’est vrai qu’aux dernières nouvelles, la dignité, c’était pas ton fort, trancha la voix, glaciale.
Nijie leva les yeux pour se retrouver nez-à-nez avec une copie masculine d’elle-même. Son jumeau la toisait du regard. Il avait pris vingt ans, mais son air supérieur n’avait pas changé. Le silence se fit. Les portes faillirent se refermer, mais Tomohisa eut la présence d’esprit d’appuyer sur le bouton pour les laisser ouvertes. Il resta dans cette position gênante, tandis que personne ne pipait mot.
- Kazunari, dit enfin Nijie, la voix ferme, bien que tout son être tremblait. - Nijie. Pas ravi de te voir, et pas ravi d’entendre la nouvelle par mon supérieur. Le téléphone, tu connais ? - Non justement, tu fais bien d’éclairer ma lanterne, oh grand Kazu-sama !
Kazunari claqua sa langue contre son palais pour toute réponse. Un ange passa.
- Bon. Je dois aller bosser, moi. Je te laisse là, Niji, hein ? Tu es entre de bonnes mains, dit Tomohisa à toute vitesse avant de pousser la jeune fille vers son frère. Kazunari recula d’un geste vif pour éviter de la toucher. - Bye bye ! s’exclama Tomohisa avant que les portes de l’ascenseur ne se ferment sur son visage souriant. Nijie allait le tuer. - Bon. En route, déclara Kazunari en ouvrant la marche, toujours aussi froid.
Nijie le suivit, un pas derrière lui, et en profita pour l’observer. Il avait toujours la même démarche, bien qu’elle soit tendue par les circonstances. Il avançait avec confiance où qu’il aille. Durant leur jeunesse, leurs parents disaient toujours que Kazunari et Nijie marchaient de la même manière. En fait, ils disaient généralement qu’ils étaient identiques. La même façon de parler, de marcher, de rire… les choses avaient bien changées. Nijie doutait même qu’elles redeviennent un jour comme avant. Elle ne pourrait jamais oublier la dispute qui avait précédé son départ. Elle ne pourrait jamais oublier tous ces moments où elle s’était sentie abandonnée par son frère. Et pourtant, même après toutes ces années, elle ressentait toujours ce manque. Kazunari se tourna vers elle, les sourcils froncés.
- Tu comptes rester derrière moi tout le temps ? C’est chiant, j’ai l’impression d’avoir un chien qui veut me respirer les fesses. - Je pensais pourtant que c’était toi, le chien-chien…, grogna Nijie en se mettant à son niveau. Kazunari se contenta de pester avant de reprendre. - T’aurais quand même vraiment pu m’appeler. Au moins me demander mon avis. Pourquoi t’es là ?
La question n’étonna pas Nijie, elle avait appris sa leçon. Après tout, elle ne pouvait pas lui donner la vraie raison de sa venue. Il la prendrait encore pour une folle. Un Kazunari qui la détestait passait encore, mais elle n’était pas sûre de supporter une nouvelle fois le jugement qu’elle avait subi plus jeune.
- Besoin de fric, marmonna-t-elle. - T’as besoin d’argent, et tout ce que tu trouves à faire c’est assistante de mon groupe ? En plus on n’a jamais eu d’assistante, c’est quoi ces conneries ? - Tomo m’a fait une faveur, okay ? - Il ne pouvait pas te prendre comme assistante, lui, s’il t’aime tant que ça ? s’agaça Kazunari. Ça, Nijie l’avait déjà demandé… - Il en a déjà une. - Ah oui. J’oubliais que c’est le grand Yamapi, grinça Kazunari entre ses dents. - Vous n’étiez pas potes aux dernières nouvelles ? - Quand j’apprends qu’il a gardé contact avec ma sœur, l’héberge et la fait bosser pour moi sans rien me dire, je ne nous considère plus comme potes, non, soupira Kazunari, l’air exténué. Il reprit avant que Nijie n’ait pu l’interrompre. - Je ne sais pas ce que tu sais de mon groupe. - Que dalle. - T’as jamais regardé un seul clip ? Pas une seule émission ? - J’avais pas que ça à faire.
Kazunari parut blessé, avant de reprendre un visage de marbre. Nijie n’était pas prête à lui avouer que regarder son frère après tout ce qui s’était passé aurait été trop difficile. Evidemment, elle était déjà tombée sur des images, mais elle les évitait tellement vite qu’elle n’aurait su dire aujourd’hui qui faisait partie d’ « Arashi ». La vie de son jumeau était devenue un véritable mystère pour elle, et ce depuis la fin du collège.
- On est cinq dans mon groupe. Ohno Satoshi est le leader, c’est un mec cool, posé, un peu dans son monde. Sakurai Sho est le rappeur du groupe, c’est une vraie maman poule. Matsumoto Jun gère tout ce qui est concert, c’est un mec très concentré, donc le fait pas chier. Ah et Masaki fait partie du groupe aussi, toujours aussi barré.
Nijie se rappelait Masaki. C’était un cousin éloigné qui avait déménagé dans leur quartier quand ils étaient en primaire. Ils passaient tout leur temps ensemble à cette époque, Nijie, Kazunari, Masaki et Tomohisa. Les parents les appelaient « la belle équipe ». Nijie s’était souvent demandé ce qu’était devenu Masaki. Une partie d’elle était heureuse qu’il ait pu veiller sur Kazunari toutes ces années.
- Et toi, tu fais quoi ? demanda Nijie, l’air de rien. - Je chante et je fais des mélodies. - Tu joues toujours du piano et de la guitare ? demanda Nijie, réellement intéressée.
Kazunari fronça encore les sourcils. - Qu’est-ce que ça peut te foutre ?
Nijie se renfrogna. S’il voulait qu’elle fasse un quelconque effort après ça, il pouvait aller se brosser. Ils s’arrêtèrent devant une porte simple où était sobrement inscrit « Arashi ».
- C’est tout ? s’étonna Nijie. Pas de paillettes, de fleurs ou de tapis rouge ? - Tu nous prends pour qui, les SNSD ?
Kazunari ouvrit la porte sans plus de cérémonie. La salle commune des Arashi était assez grande. Elle ressemblait en fait à un living-room. Des photos et des dessins chatoyants ornaient les murs. A l’autre bout de la pièce gisait une cuisine, frigidaire compris. Une grande table était étendue dans un coin, où trônait une maquette en allumettes. Un garçon aux joues rondes et à l’air endormi ajoutait une énième allumette à la réplique de la Tokyo Tower. Il n’avait pas relevé les yeux. De l’autre côté, deux hommes étaient assis sur des canapés à l’aspect confortable. Ils étaient penchés sur une table basse, le nez presque collé à une liste. Ils levèrent la tête et leurs yeux étincelèrent en même temps. Nijie ne pensait qu’à fuir. Ses doigts se crispèrent sur la bretelle de son sac à dos.
- Nijie-chan ! s’exclama l’un des garçons assis sur le canapé.
Il se leva d’un geste et contourna la table pour venir l’enlacer. Le corps entier de Nijie se figea. Elle n’était plus très habituée aux grandes embrassades. Tomohisa était la seule personne autorisée à la toucher, et même lui n’aurait osé la prendre dans ses bras. Quand le garçon finit par reculer, il la regarda droit dans les yeux avec un sourire franc. Nijie tilta enfin. Il avait pris quelques rides au coin des yeux, mais son expression était toujours aussi enfantine.
- Masa-chan…, murmura-t-elle, ébahie.
Entendre dire que Masaki faisait partie du groupe était une chose, le voir face à elle en était une autre. Et contrairement à Kazunari, Nijie n’avait pas quitté Masaki dans de mauvaises circonstances. Elle était honnêtement heureuse de le revoir.
- Tu te souviens de moi ? C’est génial ! J’étais pas trop pour l’idée d’avoir une assistante au début, ça fait très stars qui se la pètent, mais si c’est toi ça ne me gêne pas ! Car on va pouvoir passer du temps ensemble, maintenant ! Ah, je suis content !!
Il déblatérait toujours ses phrases aussi vite. Nijie ne put s’empêcher de laisser échapper un rire. Du coin de l’œil, elle vit Kazunari ruminer dans son coin. Mais un autre visage se plaça à côté de Masaki.
- Je m’appelle Sakurai Sho. S’il te plait, appelle-moi Sho-chan, déclara-t-il en lui serrant la main. - Eh c’est quoi ces manières ? Moi il a fallu des années pour que je t’appelle Sho-chan ! se plaignit Kazunari.
Nijie sourit. S’il suffisait de ça pour le faire sortir de ses gonds, elle allait se faire une joie. Elle serra avec enthousiasme la main de Sho.
- Enchantée Sho-chan, je sens déjà que nous allons très bien nous entendre !
Sho sourit de toutes ses dents tandis que Kazunari émit un grognement inhumain. Un point pour Nijie. Le garçon aux joues rondes releva la tête de derrière sa maquette.
- Ohno. Leader. Enchanté, dit-il tel un robot avant d’ajouter une allumette à son œuvre. Nijie faillit éclater de rire. C’était ça le leader ? - Tu vas pouvoir nous aider à faire beaucoup de choses Nijie-chan ! Au fait, où est-ce que tu vis ? Si tu as besoin, tu peux toujours venir crécher chez moi ! reprit Masaki, comme si Ohno n’avait jamais ouvert la bouche. - Euh…, commença Nijie. - Elle reste chez Yamapi, l’interrompit Kazunari.
Il avait presque craché le célèbre surnom de Tomohisa. Masaki agita un sourcil étonné dans sa direction, avant de se retourner vers Nijie.
- T’embête pas pour Kazu, Nijie-chan, il grogne mais il est content ! - Eh ! tenta Kazunari, vexé. - Franchement, je ne sais même pas comment Ame-chan arrive à le supporter, ajouta Masaki avec un grand sourire, comme s’il avait énoncé un joli compliment. - Je vais te tuer ! gronda Kazunari. Nijie, de son côté, mettait bout à bout les informations. - Ame…chan ? s’interrogea-t-elle tout haut. - Ouais bah ma copine, quoi, répondit Kazunari. Nijie ne put s’empêcher de dévisager son frère, le visage livide. - Pourquoi tu me regardes comme ça ? T’es passée nonne ou quoi ? s’agaça Kazunari, clairement mal à l’aise sous le regard perçant de sa sœur. - Ame-chan est quelqu’un de très bien, Nijie-chan, dit Sho, un sourire timide sur le visage. Elle s’occupe très bien de ton frère, si c’est ce qui t’inquiète. Ça fait plusieurs années maintenant, elle connait son sale caractère. - Vous avez fini de me descendre ? s’énerva franchement Kazunari, sans réponse.
Non, ce n’était pas ce pas ce qui inquiétait Nijie. Elle se rendait simplement compte d’à quel point elle était passé à côté de la vie de son jumeau. Il avait un ménage à présent, c’était un homme. Elle se rappela avec douleur de la dernière fois qu’elle avait vu son frère amoureux. Tous les deux savaient comment ça s’était fini… mais cela ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas le protéger aujourd’hui. Elle se rappela soudainement sa mission.
- Dites…, je pourrais aller aux toilettes avant que nous commencions s’il vous plait ? demanda-t-elle. - Au bout du couloir, deuxième porte à gauche, répondit machinalement Kazunari.
Nijie s’inclina légèrement puis quitta la pièce. Elle inspecta les environs. Vide. Elle sortit son EMF de son sac à dos et l’alluma.
- Allez, dis-moi tout, mon tout beau, lui murmura-t-elle. Le signal de l’EMF clignota un peu. - Te voilà, Ren-san…, souffla Nijie.
Elle avança. Le signal clignota plus fort. Nijie continua à pas prudents. Des sueurs froides perlèrent son dos, une sensation qu’elle n’avait pas ressentie depuis qu’elle avait quitté Tottori. Une force mystique l’oppressa. Aucun doute, il s’agissait de Ren, le fantôme qu’elle chassait. Avec un peu de chance, elle pourrait l’envoyer en orbite avant que Ren ne fasse trop des siennes, et Nijie pourrait retourner se terrer à Tottori et oublier ses retrouvailles glaciales avec Kazunari. Un bruit sourd se fit entendre dans une pièce adjacente. Nijie prit son courage à deux mains et sortit la petite pièce en ferraille qu’elle gardait toujours dans sa poche. Elle leva le bras bien haut, prête à lancer la pièce s’il le fallait, et ouvrit la porte d’où provenait le bruit avec un grand coup de pied. Un cri se fit entendre, surpris, avant de s’étrangler quand Nijie envoya la pièce en plein dans l’œil d’un… sombre inconnu. Le pauvre garçon se tenait l’œil, grimaçant de douleur, au-dessus du lavabo. Nijie se trouvait clairement dans les toilettes des garçons, son EMF toujours à la main.
- Mais qu’est-ce que c’est que cette connerie ? Encore une blague de Kazu ? s’indigna l’inconnu, le regard noir posé sur Nijie.
Le cerveau de Nijie se figea. Il connaissait son frère. Ce qui voulait dire qu’elle allait devoir décamper en vitesse avant que Kazunari n’apprenne qu’elle ait (involontairement) agressé l’un de ses collègues.
- T’es qui toi ? Une fan déjantée ? On t’as jamais appris à pas frapper les gens que tu connais pas ? continua l’inconnu en massant son œil endolori. - Euh… je m’appelle Ninomiya Nijie… enchantée. - Ah, c’est toi notre assistante ?
Il n’avait vraiment pas l’air heureux de cette nouvelle. Cela fit alors tilt dans la tête de Nijie.
- Ah, vous êtes le Jun ? - « Le Jun » ? Tu ne pourrais pas être un peu moins familière ? Puis c’est quoi ton problème ? Et c’est quoi ce machin dans ta main, un taser ?
Nijie cacha vite son EMF derrière elle.
- Un détecteur de fausses notes, déclara-t-elle en imitant de son mieux Tomohisa. Très vintage. - Quoi ? Mais t’es complètement tarée en fait, nan ? - Un peu de respect quand même, ne put s’empêcher de répondre Nijie, qui ne supportait pas qu’on la catégorise ainsi. - Du respect ? Tu veux du respect quand tu viens me mater dans les chiottes et que tu m’envoies… c’était quoi d’ailleurs, une pièce ?
Nijie comprit enfin. Ce mec était aussi imbu de lui-même que Kazunari. Elle se mit à quatre pattes pour chercher sa pièce adorée.
- Tu crois vraiment que j’ai que ça à faire de venir mater le Jun dans les chiottes de la Johnny’s ? Faut se faire soigneur, mon vieux, t’es pas si intéressant que ça.
Jun semblait bouillonner.
- Et c’est TOI qui me parle de respect ? Et c’est Matsumoto pour toi ! Non, Matsumoto-SAMA ! Et qu’est-ce que tu fous par terre ?
Nijie trouva enfin sa pièce et se releva triomphante.
- Je crois que je préférerais ne pas t’appeler du tout. Je n’aime pas les paranoïaques pédants, dit-elle nonchalamment. - Paranoïaque… nan mais c’est quoi ça ? Tu viens, tu m’agresses, et c’est moi le paranoïaque ? Et je ne suis pas pédant !
Nijie ne pouvait pas décemment lui dire qu’elle essayait de sauver leur vie à tous. Même si elle envisageait sérieusement de laisser Ren-san le défigurer. Peut-être lui ferait-elle elle-même une offrande. Même si elle se rendait compte que la situation pouvait paraître bien plus qu’étrange pour le jeune homme, Nijie avait le don pour sortir de ses gonds trop vite quand on insultait sa santé mentale. Puis elle n’avait aucune envie de s’excuser à cet énergumène. Après tout, elle et Kazunari avaient peut-être bien encore un point commun qui persistait malgré leurs différences : leur mauvaise foi à toute épreuve. Un bruit se fit entendre du couloir. Nijie se sentit de nouveau oppressée. Sa respiration se bloqua presque dans sa gorge. Elle sortit des toilettes sans un mot pour Jun. Mais à peine fut elle sur le pas de la porte qu’un cri se fit entendre. Tomohisa gisait au sol, apeuré, tandis qu’une jeune fille le protégeait. Les cheveux longs ondulés, le regard noisette déterminé. Sa voix fluette défrayant les aigus de Kazunari s’écria « Niji-nee ! » d’un ton apeuré. Le sang de Nijie ne fit qu’un tour.
Tsukiyo. Sa petite sœur qui n’avait que cinq ans quand elle était partie. Sa petite sœur à qui elle pensait chaque jour, comme à chaque membre de sa famille. Et face à cette petite sœur, Ren-san. Dans la main de Nijie, l’EMF clignotait comme jamais. Partie II : Tsukiyo.Tsukiyo traversait en courant les couloirs de la Johnny’s. Elle s’était déjà cognée contre plusieurs murs, étant d’une maladresse légendaire, mais quand la jeune fille s’était fixé un objectif, plus rien ne pouvait l’arrêter. Elle arriva à la destination souhaitée, et entra en trombe dans la salle destinée au chanteur Yamashita Tomohisa. Celui-ci était en train de réviser une chorégraphie devant le grand miroir qui ornait tout un mur. Il se tourna vers elle et sourit, non surpris de sa venue.
- Tsuki-chan ! Dis-moi, tu n’es pas censée être en répétitions ?
En effet, la jeune fille faisait partie du nouveau groupe féminin de la Johnny’s, qui allait très prochainement être lancé. Un challenge pour l’entreprise qui avait presque toujours proposé des groupes exclusivement masculins. En temps normal, Tsukiyo était dévouée à sa carrière, mais aujourd’hui, elle avait des affaires bien plus urgentes à régler qu’une simple répétition.
- Elle est là ? Elle est arrivée ? Elle est avec Kazu ?! s’enquit-elle, plus énergique qu’une pile électrique. - Oui, oui. Elle est avec ton frère, t’en fais pas, la rassura Tomohisa. - Ça s’est bien passé ? continua-t-elle, soucieuse. - Hm. Personne n’est mort, dit Tomohisa avec un petit sourire en coin. - Comment ça personne n’est mort ? Y’a des blessés ? s’agita Tsukiyo.
Tomohisa rit devant la crédulité habituelle de Tsukiyo. La jeune fille avait pourtant maintenant vingt-cinq ans, et il était toujours aussi facile de la faire tourner en bourrique, tout comme sa grande sœur, même si Tsukiyo l’avait à peine connue. En effet, Nijie avait quitté la maison familiale quand sa cadette n’avait que cinq ans. Depuis, Tsukiyo lui vouait une admiration lointaine sans vergogne, que ses aînés Michiko et Kazunari avaient bien du mal à comprendre. Mais quand Tsukiyo avait rejoint la Johnny’s, elle avait pu discuter plus librement avec Tomohisa, et avait appris qu’il avait gardé contact avec Nijie en secret. Depuis, Tsukiyo attendait impatiemment son retour. Elle n’en connaissait pas encore les raisons, mais espérait qu’elle resterait pour de bon.
- Disons que ton frère et ta sœur ont une relation compliquée. Ils ne se sont pas vus depuis vingt ans, Tsuki-chan, il est donc normal que les choses prennent un peu de temps, lui dit Tomohisa, un sourire protecteur sur le visage. - Je peux la voir alors ? - Hm, je me demande si c’est une bonne idée. Tu sais, je ne lui ai pas dit que tu travaillais là. Ça risque de lui faire un choc… - Mais… elle ne t’as pas demandé ce que je faisais ? s’étonna Tsukiyo.
Tomohisa parut chercher ses mots. Tsukiyo connaissait déjà la réponse, il cherchait simplement à la blesser le moins possible.
- Tu sais, il s’est passé beaucoup de choses pendant toutes ces années. Concentrons-nous déjà sur le fait qu’elle soit de retour. C’est déjà une bonne nouvelle, non ?
Le cœur de Tsukiyo se serra. Elle qui avait toujours considéré Nijie comme son héroïne, malgré les réticences familiales à aborder son existence, savoir que sa sœur n’avait jamais demandé de ses nouvelles faisait mal. Mais elle ne devait pas se laisser abattre, elle ferait en sorte de créer une véritable relation avec Nijie, comme elle en avait toujours rêvé.
- Je vais voir ma sœur, dit-elle simplement en tournant les talons. A peine arrivée dans le couloir que Tomohisa se précipita à sa suite. - Tu sais, je ne suis pas certain que ça soit une bonne idée. Puis tu sais, Nijie a vraiment un sale caractère, mieux vaudrait ne pas la brusquer, tenta-t-il en essayant de suivre le rythme rapide de Tsukiyo. - Elle ne doit pas être bien pire que Kazu, répondit Tsukiyo.
Si elle avait pu supporter les sautes d’humeur éternelles de son frère, elle pourrait certainement contenir Nijie sans soucis, Tsukiyo en était certaine.
- Peut-être vaudrait-il mieux organiser une rencontre, peut-être pourrait-on aussi inclure Michiko…, tenta de nouveau Tomohisa. - Michi fera ce qu’elle veut, moi j’y vais, continua Tsukiyo.
Evidemment, Tsukiyo avait déjà essayé de demander à Michiko de venir aujourd’hui. Son aînée de cinq ans vivait avec elle et travaillait dans un petit magasin d’instruments de musique. Michiko n’était pas aussi agressive sur le sujet « Nijie » que Kazunari, mais elle n’avait pas montré aucun enthousiasme à l’idée de revoir sa sœur, une chose que Tsukiyo avait du mal à comprendre.
- Je pourrais t’en empêcher par la force…, essaya de l’intimider Tomohisa, mais Tsukiyo savait qu’il bluffait. - Essaie et je te bouffe, répondit-elle. - Bon dieu, j’en ai ma claque des Ninomiya…, souffla Tomohisa, mais il continua tout de même à la suivre.
Arrivés à l’étage des Arashi, les deux amis entendirent du bruit du bout du couloir. Tsukiyo tendit l’oreille. Jun était apparemment en colère. Tsukiyo se tendit. Elle s’était attendue à un attentat de la part de Kazunari, mais certainement pas de la part de Jun, ce garçon avait un self-control à toute épreuve.
- Jun-kun est en colère ? s’interrogea-t-elle. - Mieux vaut faire marche arrière, proposa Tomohisa. - T’es vraiment une poule mouillée, Pi ! se plaignit Tsukiyo tout en avançant vers le bruit. - Poule mouillée toi-même…, grommela Tomohisa, sur ses talons.
La dispute se fit de plus en plus forte. Tsukiyo reconnut une voix féminine. Elle accéléra le pas. Son cœur tanguait dans sa poitrine. « Pourvu qu’elle me reconnaisse », pensa-t-elle, anxieuse. Elle s’arrêta devant la porte d’où provenaient les sons, prête à ouvrir. Un frisson lui parcourut l’échine. Un regard vers Tomohisa et ils se retournèrent d’un même mouvement.
Le souffle de Tsukiyo se coupa.
Une femme d’une beauté époustouflante se trouvait devant eux. Ses cheveux tombaient élégamment autour de son visage. Ses yeux étincelaient d’une lueur douce, et ses traits laissent transparaître une grande chaleur. Elle portait une robe rouge en laine et un masque chirurgical.
- On peut vous aider, Madame ? demanda Tomohisa, souriant.
La femme parut sourire derrière son masque.
- Dites… Pensez-vous que je sois belle ? demanda-t-elle d’une toute petite voix.
Tsukiyo trouva la question étrange. Tomohisa ne parût pas relever, sûrement trop habitué aux groupies.
- Bien sûr que vous êtes belle, dit-il avec son plus beau sourire de host improvisé.
Tsukiyo se retint de tousser devant tant de manières, mais n’eut pas le temps de rajouter sa sauce que la femme enleva son masque. Tsukiyo resta pétrifiée. Même Tomohisa parut étonné, à en croire par le petit cri étranglé qui sortit de sa gorge. Les commissures des lèvres de l’inconnue se fendaient presque jusqu’à ses oreilles, laissant découvrir ses dents : le sourire de l’ange. La main de Tomohisa se crispa sur le bras de Tsukiyo. La lueur douce qu’avait remarqué la jeune fille s’était transformé en sadisme. On aurait dit que la femme regardait avec appétit son amuse-gueule du jour.
- Et comme ça ? Suis-je toujours belle ? demanda-t-elle d’une voix plus affirmée.
Les fentes de son visage laissaient apercevoir ses dents qui claquaient à chaque syllabe. Tsukiyo hésitait entre faire une blague de mauvais goût sur une certaine ressemblance avec le Joker et fuir à toutes jambes. Tomohisa avait heureusement une meilleure idée.
- Oui… bien entendu, Madame, dit-il, malheureusement d’une voix tremblante accompagnée d’un sourire peu convaincant. - Vous ne le pensez pas… n’est-ce pas ? demanda la femme, tout sadisme envolé pour laisser place à une profonde tristesse.
Tsukiyo déglutit. Tomohisa n’avait pas eu une si bonne idée que ça, finalement. Elle tenta de réparer les pots cassés.
- Moi je vous trouve très belle, improvisa-t-elle avec un sourire qui se voulut rassurant. - C’est vrai ? demanda la femme, visiblement étonnée par une réponse aussi directe. - Eh bien…, murmura Tomohisa, troublé.
Tsukiyo lui donna un coup de coude dans les côtes pour le faire taire, mais trop tard, la femme avait entendu son hésitation se manifester une nouvelle fois. Tsukiyo tenta de nouveau un sourire, mais paralysée par la peur, cela devait ressembler cette fois plutôt à une grimace.
- Vous mentez, gronda la femme d’une voix sourde.
Elle s’avança vers eux, de nouveau emprunte de sadisme. Tomohisa et Tsukiyo se collèrent d’un même mouvement au mur derrière eux, dans le but vain de placer de la distance entre eux.
- Pas besoin de s’énerver, Madame, vous êtes très belle, je vous assure, continua Tomohisa, comme s’il n’avait pas déjà assez envenimé la situation. - Pi, je crois que c’est le moment de te taire, vraiment, grinça Tsukiyo entre ses dents.
La femme leva une paire de ciseaux vers eux et tenta d’atteindre Tomohisa. Tsukiyo réagit au quart de tour. Elle poussa Tomohisa de toutes ses forces au sol. Elle essaya de stopper le bras de l’inconnue, mais sa main brassa de l’air. La femme la regarda, un air triomphant sur le visage.
- Je n’aime pas les menteurs. Apparemment, c’est de famille.
Tsukiyo fronça les sourcils, à la fois troublée par ses mots et son incapacité à la toucher. Et si, toutes ces années auparavant, Nijie avait bien dit la vérité ? A l’époque, Tsukiyo avait pris ça pour un jeu, un super pouvoir endossé par son héroïne de sœur. En grandissant, elle s’était souvent posé la question de si sa sœur possédait vraiment les capacités dont il avait été question. Son admiration enfantine pour ce don s’était muée en admiration lointaine pour une sœur perdue, mais elle en avait presque oublié cette histoire de fantômes, elle avait juste voulu retrouver sa sœur. Quand Tomohisa lui avait demandé de laisser les choses se faire naturellement, il lui avait fallu une force surhumaine pour ne pas débarquer à Tottori elle-même. Et maintenant, il y avait ces mots. « C’est de famille ».
Tsukiyo n’eut pas le temps de s’y épancher que la femme la jetait par terre dans un bruit sourd. Sonnée, elle réussit à se mettre à genoux et tenta de protéger Tomohisa du mieux qu’elle le pouvait.
Tsukiyo n’avait jamais autant voulu sa sœur près d’elle. Ses prières furent exaucées quand la porte s’ouvrit sur une jeune femme qui ressemblait trait pour trait à Kazunari. Elle avait les cheveux remontés en une courte queue de cheval, sa mèche sur le front aussi en pagaille que celle de son jumeau. Elle portait un jean délavé et un tee-shirt orné d’un dessin de la Mystery Machine. Son look était accompagné de baskets bleu criard. A côté de l’assistante de Tomohisa, Nijie avait l’air d’avoir été récoltée dans la rue. Néanmoins, Tsukiyo n’avait jamais été aussi heureuse de la voir.
- Niji-nee ! cria-t-elle.
Nijie avait l’air d’avoir vu un fantôme, au sens littéral et figuré. Dans sa main, un objet clignotait, sorte de téléphone portable d’un ancien temps. Devant eux, l’inconnue avait posé son regard sur Nijie. Son sadisme s’était transformé en véritable fureur meurtrière.
- Tsuki…yo ? murmura Nijie, blanche comme un linge, ignorant totalement le sourire de l’ange. Une main ouvrit plus grand la porte par laquelle elle était sortie. - Bon, qu’est-ce qui se passe par ici ? T’as déjà agressé quelqu’un d’autre ? demanda Jun de façon nonchalante, avec un œil qui commençait à virer au noir. - Je…, balbutia Nijie.
Jun se figea face à la femme qui souriait, son regard mauvais toujours posé sur Nijie. Celle-ci sembla enfin pouvoir détacher son regard de Tsukiyo.
- Ren-san…, dit-elle en lâchant son engin électronique. - Ninomiya, répondit simplement le « fantôme ». - Vous êtes qui, vous ? demanda Jun, agacé.
Apparemment, il n’avait pas l’air plus choqué que ça par la situation. Son self-control étonnait toujours Tsukiyo. - Elle s’appelle Ren-san, apparemment, interrompit Tomohisa. Tsukiyo se retint de lui donner un nouveau coup de coude. Nijie n’avait toujours pas bougé.
- Je crois que je vais attendre, en fait, dit Ren-san.
Tsukiyo avait visé juste pour le sadisme.
- Que…, commença Nijie.
Elle leva le bras pour lancer une pièce en ferraille, mais Ren-san disparut soudainement.
Nijie resta dans sa position, le bras en l’air. Tsukiyo faillit s’évanouir. Tomohisa hurla. Jun demanda, stoïque : - Quelqu’un pourrait m’expliquer ce qu’il vient de passer ? Et m’amener de la glace. Partie III : Michiko. Michiko, assise sur son tabouret derrière le comptoir, un café dans les mains, fixait l’horloge, l’œil vide. Dix heures. Nijie devait déjà être arrivée à la Johnny’s Jimusho. Elle se demanda comment s’étaient passé les retrouvailles. Tsukiyo l’avait gardée éveillée une bonne partie de la nuit, sautant partout dans leur appartement. Michiko n’avait pas eu le cœur de lui demander de se taire. Elle l’avait gentiment laissé égosiller son amour pour leur ainée, mais avait refusé son invitation pour accueillir Nijie ensemble. A présent, Michiko se demandait si elle avait pris la bonne décision. Une partie d’elle était curieuse de revoir sa sœur, mais une autre voulait simplement se plonger dans sa routine et oublier cet événement. En parlant de routine, un visage familier entra dans le petit magasin d’instruments de musique.
- Dégage, déclara Michiko d’un ton plat avant de plonger le nez dans son café.
Son meilleur ami s’arrêta en plein milieu du magasin. Il observa l’horloge accrochée au mur. Dix heures deux. Que ressentaient Kazunari et Tsukiyo en ce moment ? Le garçon fit une moue amusée suivie d’un rire quand il posa les yeux sur Michiko.
- Dix heures et aucune insulte ? Tu t’améliores, Michi.
Michiko huma son café. Elle n’avait jamais été du matin. Il lui arrivait même parfois d’envoyer des instruments au visage de son ami. Une habitude qui se voyait sur ses factures.
- J’étais pas très inspirée…, énonça-t-elle du même ton plat en sirotant une nouvelle gorgée. Son ami continua de sourire en s’accoudant au comptoir. - Prends pas tes aises, dit Michiko avant de finir son élixir de vie.
Elle grimaça, les yeux fixés sur son gobelet vide. Elle allait devoir passer à la quatrième tasse de la journée. Heureusement qu’elle n’avait pas le caractère de Tsukiyo, la pauvre petite ne pouvait pas boire un seul café sans exploser d’excitation.
- Tu n’aimes plus ton Ryo ? bouda son meilleur ami. Une lueur malicieuse gisait cependant dans son regard.
Michiko jeta un nouveau regard stressé sur l’horloge. Dix heures cinq. Et que ressentait Nijie ? Et si les retrouvailles s’étaient au contraire bien déroulées ? Et si Nijie était déçue que Michiko ne soit pas là ? La culpabilité s’installa. - Il est dix heures, je n’aime personne à cette heure-là, répondit Michiko.
Ryo rit franchement. Heureusement, il n’avait pas remarqué l’air étrange qu’arborait son amie. Elle n’avait pas voulu lui parler du retour du Nijie pour ne pas l’inquiéter. Il avait tendance à se faire un peu trop de soucis. Quand l’appartement de Michiko et Tsukiyo avait eu une coupure de courant, Ryo avait débarqué au milieu de la nuit avec dix packs de glaçons pour le frigidaire et un lot de cent bougies. Autant dire que les bougies servaient encore aujourd’hui. Michiko n’osait pas imaginer la réaction disproportionnée qu’aurait son ami s’il apprenait que Nijie avait fait son grand retour. Ryo connaissait le sujet « Nijie » grâce à Tsukiyo qui en parlait régulièrement quand Kazunari n’était pas dans les parages. Puisque Michiko n’avait jamais exprimé son ressenti à ce propos, Ryo avait essayé de lui tirer les vers du nez maintes fois. Michiko avait simplement envie de garder ses sentiments actuels pour elle.
- T’es pas censé être la Johnny’s ? interrogea Michiko.
Ryo avait une réunion importante ce jour-là. Il était fréquent qu’il arrive en retard car il tenait à passer tous les jours au magasin de Michiko.
- Je peux rester encore un peu, dit Ryo en haussant les épaules. - Tu vas encore avoir des ennuis. - C’est pas grave, déclara Ryo avec douceur. Tu veux du café ?
Michiko ne put répondre qu’une nouvelle personne entra dans le magasin.
- Michi-chan !!!! J’ai du café !!!! cria Maruyama, membre du groupe de musique de Ryo, un café brûlant à la main. Michiko salivait déjà. - Qu’est-ce que tu fais là, toi ? demanda Ryo, irrité. - J’apporte le café à Michi-chan. Je suis sûr que toi, tu n’y as pas pensé, dit Maruyama en prenant un air faussement hautain. - Elle n’avait pas besoin de toi, dit Ryo, renfrogné. - Bonjour Maru, dit Michiko en prenant le café bien-aimé. - Tu vois ? dit Maruyama, tout sourire. Je t’ai déjà dit que tu pouvais m’appeler Ryuhei, Michi-chan. Tu peux même m’appeler Ryu-chan, si tu veux. - Oh ! N’en profite pas, toi ! intervint Ryo. Maru c’est très bien ! - Pas besoin d’être jaloux, Ryo-chan, Michiko t’aimes aussi, dit Maru. - J’aime bien Maru, murmura Michiko, qui humait son café comme une drogue. - Voilà. On en reste à Maru ! déclara Ryo avec un sourire triomphant. - Maintenant on y va, je te rappelle qu’on a réunion avec le boss, dit Maru en tirant Ryo par son sac-à-dos. - Mais… j’avais pas fini, moi ! s’indigna Ryo. - Tu passes tout ton temps ici, répliqua Maru. Michi-chan sera toujours là ce soir. - Arrête de l’appeler Michi-chan ! - A ce soir, Ryo-chan ! dit Michiko en lui faisant un petit signe de la main, un sourire amusé au coin des lèvres. Ryo arrêta de suite de se débattre. - Bye bye Michi ! Bon courage ! - Je viendrai aussi Michi-chan ! ajouta Maru, trop heureux d’embêter ce pauvre Ryo. - On n’aura pas besoin de toi, trancha celui-ci.
Contre toute attente, ce fut Ryo qui traina cette fois-ci Maru hors du magasin. Les deux idiots continuèrent à faire des signes à travers la vitre avant d’enfin s’éloigner. Michiko rit devant tant de bêtise. Elle avait rencontré Ryo quand elle avait tenté les concours d’entrée à la Johnny’s durant son adolescence. Si elle les avait ratés en beauté, Tsukiyo avait tout réussi avec brio. Michiko avait été à la fois heureuse pour sa cadette mais aussi blessée d’être rejetée par l’entreprise. Elle avait rencontré Ryo juste après avoir appris la nouvelle, alors que le jeune homme était tout juste professionnel à l’époque. Ils avaient gardé contact et étaient devenus meilleurs amis au fil des années. Si Michiko connaissait les Arashi grâce à son frère, ils ne s’étaient pas liés à elle comme ils s’étaient liés à Tsukiyo. La seule exception restait Masaki, puisqu’ils étaient de la même famille et se connaissaient depuis l’enfance, après tout. Michiko avait en fait du mal à se sentir à l’aise avec des Johnny’s, trop humiliée par son échec. Ryo avait dû insister pour qu’ils deviennent amis, et Michiko avait fini par réussir à oublier son statut. Elle avait toujours refusé de rencontrer les NEWS ou les Kanjani8, jusqu’à ce que Maru vienne un jour avec Ryo, trop curieux de rencontrer la fameuse meilleure amie. Ce jour-là, Michiko avait failli envoyer tout le magasin à la figure de Ryo. Mais Maru était revenu régulièrement, et Michiko n’avait pas pu s’empêcher de fondre face à la gentillesse du jeune homme, qui l’avait achetée à coups de cafés improvisés. Elle ne pouvait tout de même s’empêcher d’anticiper le jour où tous les Kanjani8 débarqueraient. Elle ne donnait pas cher de son magasin.
Elle ne put s’empêcher de fixer de nouveau l’horloge. Dix heures quinze, et elle était seule, dans son magasin, avec son café pour seule compagnie. Elle soupira. Qu’aurait-elle dû faire ? Elle hésita à courir après Maru et Ryo pour les accompagner à la Johnny’s Jimusho. Ryo ferait une crise cardiaque à coup sûr, depuis le temps qu’il essayait de la forcer à l’accompagner, mais peut-être était-ce le jour. Peut-être pourrait-elle faire un effort. Après tout, si elle faisait le premier pas ? Et si ses parents et Kazunari avaient eu tort, pendant toutes ces années ? Ryo lui dirait sûrement qu’elle devrait écouter les deux côtés de l’histoire. Elle allait se lever, prête à prendre les devants, dès dix heures du matin (un exploit) quand la porte d’entrée du magasin s’ouvrit de nouveau.
Tsukiyo apparut, les cheveux dans tous les sens, sa tenue pourtant si bien repassée le matin même, fripée. Michiko faillit en recracher son café adoré.
- Bah… tu t’es battue avec un hérisson ? demanda Michiko, la voix haut perchée, maintenant bien réveillée. - Nijie est une déesse, Pi une tapette, Jun m’impressionne, Kazu est con comme une buche, et les fantômes existent, déblatéra Tsukiyo d’une traite, aussi agitée que Masaki les jours de fête foraine.
Michiko recracha son café.
J'attends vos réactions avec beaucoup d'impatience ! | | | Mar 11 Juin - 7:57 | | | Ann-Liz Modérateur Messages : 404
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Localisation : Osaka!!! enfin!!!!
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Humeur : en plein jetlag
| Bonjour!
Je suis curieuse de découvrir la suite, cette histoire m'a l'air intéressante.
A bientôt | | | Jeu 20 Juin - 9:43 | | | Lilie A.Ra.Shi Messages : 23
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Humeur : La Satoshitude!
| Bonjour bonjour ! Mercii pour le commentaire ça me fait très plaisir ! Voici le nouveau chapitre appelé "Chapitre intermédiaire" c'est un chapitre flashbacks qui remonte dans le temps pour nous montrer les événements qui ont amené Nijie à quitter sa famille. Pour les âmes sensibles, je précise que ce chapitre peut être considéré comme un peu violent A partir du prochain chapitre, on suivra de nouveau la temporalité normale, avec trois parties par chapitre pour trois points de vue différents. Bonne lecture - Spoiler:
Chapitre Intermédiaire. Partie I : Printemps 1998.Nijie avait l’impression de toujours courir après son frère ces derniers temps. Eux qui avaient toujours été si proches, leur dernière année de collège était en train de les séparer. Pour la première fois, les jumeaux n’étaient pas dans la même classe. De plus, Kazunari avait été récemment admis à la Johnny’s Jimusho. Si Nijie était heureuse que son frère puisse exercer sa passion, cela lui prenait tout son temps libre, et elle avait l’impression que cette nouvelle activité la privait totalement de Kazunari. Elle se sentait seule, malgré la présence régulière de ses petites sœurs. Tsukiyo était particulièrement collante ces derniers temps, toujours dans les jupes de Nijie. Du haut de ses cinq ans, la petite Tsuki avait une imagination débordante, et Nijie devait redoubler d’efforts pour suivre son rythme effréné. Michiko, âgée de dix ans, était une autre paire de manches. Elle partageait la passion de Kazunari pour la musique et suivait attentivement ses leçons de violon. En revanche, Nijie épuisait une quantité d’énergie effrayante pour la tenir éloignée du café. Nijie avait le sentiment d’être seule pour gérer la fratrie entière. Et même à l’école, elle ne voyait maintenant quasiment plus Kazunari. De plus, un climat constant de peur régnait dans la ville. Plusieurs disparitions d’enfants avaient eu lieu.
- Encore dans la lune à ronchonner ? lui demanda Tomohisa, à ses côtés pendant la pause déjeuner.
Tomohisa, de deux ans son cadet et habitant à quelques maisons des Ninomiya, passait tout son temps libre avec Nijie. La jeune fille avait beau l’inciter à manger avec les personnes de sa classe, celui-ci répondait toujours qu’ils étaient ennuyeux et qu’il préférait donc rester avec Nijie. Si auparavant Nijie, Kazunari, leur cousin Masaki et Tomohisa passaient tout leur temps ensemble, une séparation nette avait été faite quand Masaki et Kazunari avaient été admis à la Johnny’s. Masaki était dans la classe de Kazunari et le suivait donc partout. En revanche, même si Tomohisa avait également rejoint la célèbre agence, il avait préféré rester aux côtés de Nijie. L’écolière finissait par penser qu’elle était entourée d’une bande de fous de musique alors qu’elle n’avait jamais éprouvé de passion à ce sujet. La jeune fille était bien plus portée vers la littérature. C’était pour cette raison que Tsukiyo l’adulait. Nijie et elle inventaient des histoires de fantômes qui terrifiaient même pour les adultes. Les parents Ninomiya les avaient réprimandées plusieurs fois pour avoir osé faire peur aux voisins.
- Je me demande ce que fait Kazu, dit Nijie, boudeuse. - T’es tellement une fille à ton frère, rit Tomohisa. Laisse-le vivre sa vie. Puis il a Honda-san maintenant. - … Qui donc ? demanda Nijie.
Tomohisa rit à gorge déployée. Comme ça, il pouvait passer pour un host. Nijie se dit qu’il avait bien choisi de devenir une idole. Il serait parfait dans ce rôle.
- La fille de sa classe qu’il matte tout le temps. Me dis pas que t’as pas remarqué ? Toi qui connais si bien Kazu, je suis choqué, Niji, dit Tomohisa en se retenant de ne pas éclater de rire à nouveau.
Nijie était perplexe. Kazunari n’avait jamais eu de coup de cœur pour qui que ce soit, comme Nijie d’ailleurs. Elle était blessée qu’il ne lui en ait pas parlé, eux qui partageaient tout. Tomohisa remarqua son air blessé.
- Mais tu sais c’est normal. Moi d’ailleurs y’a une fille qui me plait bien dans ma classe. Je pense que je vais sortir avec, dit Tomohisa, désinvolte, avant de voler un onigiri dans le bento de Nijie.
Celle-ci lui tapota la main. Il avala tout de même la boulette tout rond.
- Ne te donne pas trop de crédit, Yamashou, dit Nijie. Je suis sûre que…
Elle ne put finir sa réplique qu’elle ressentit une drôle de sensation. Des sueurs froides parurent grimper le long de son dos pour se nicher à la racine de sa colonne vertébrale, tel un poignard. De la colère, tristesse et un sentiment de vengeance l’envahirent. Elle ressentit comme une corde qui l’attirait quelque part. Une direction, une personne. Ses yeux cherchèrent avec frénésie la source de son trouble.
- Niji ? Tout va bien ? demanda Tomohisa, inquiet.
Nijie l’entendit à peine, les yeux fixés sur ce qui l’attirait. Elle n’avait jamais ressenti une sensation pareille, et espérait que ça n’arrive plus jamais. Une jeune fille était entrée dans la cantine. Ses longs cheveux coiffés en tresse, elle avait un air de bonne élève toute droit sortie d’un des mangas shojos que Kazunari lisait en cachette. Tomohisa comprit ce qui captivait son regard.
- Ah bah voilà, c’est Honda-san ! Kazu devrait pas être loin, maintenant ! dit-il avant de voler un nouvel onigiri dans le bento de Nijie.
Nijie se contenta de hocher la tête. Pourquoi ressentait-elle une telle angoisse ? L’air autour d’elle était froid. Une aura mystique s’échappait de cette Honda-san, et Nijie ne savait que penser. Elle avait un mauvais pressentiment. Elle tenta un sourire, mais son être restait glacé. Partie II : Automne 1998.La sensation persistait. A chaque fois qu’Honda-san était dans les parages, la poitrine de Nijie s’oppressait. Au fur et à mesure de l’été, Honda-san avait passé de plus en plus de temps dans la maison Ninomiya, proche de Kazunari, bien que celui-ci n’ait toujours pas fait un seul pas pour intensifier leur relation. Honda-san venait même quand Kazunari était à la Johnny’s, persuadée d’avoir trouvé une amie en Nijie. Et la jeune fille était en tous points sympathique : bonne élève, plutôt drôle, serviable, gentille. A vrai dire, Nijie ne lui trouvait aucun défaut. Elle ne pouvait rêver meilleure petite-amie pour Kazunari, si celui-ci se décidait enfin. Alors pourquoi Nijie se sentait si mal dès qu’Honda-san était dans les parages ? Cette gêne physique, cette aura, elle ne savait pas combien de temps elles pourraient les supporter. Il fallait qu’elle en parle à quelqu’un.
- Dis, Niji-nee, ces disparitions d’enfants…, commença Tsukiyo, alors que les trois filles Ninomiya faisaient des cookies ensemble. - Tu n’as pas à t’en faire pour ça, Tsuki, l’interrompit Nijie.
Elle ne voulait pas que Tsukiyo vive dans la peur. Les disparitions d’enfants avaient augmenté autour de l’été. Certains avaient même été retrouvé morts devant chez eux. La paranoïa s’installait dans Tokyo.
- Onee-san a raison, dit Michiko, qui rajoutait des grains de café dans les cookies.
Nijie se demanda où elle avait bien pu les trouver, elle qui pensait les avoir tous cachés.
- Mais Niji-nee, insista Tsukiyo, et si c’étaient des fantômes ? T’en penses quoi ?
Décidemment, l’imagination de la petite était sans bornes. Nijie et Michiko éclatèrent franchement de rire.
- Mais non Tsuki ! Ça n’existe pas les fantômes ! rit Michiko, le nez presque plongé dans la pâte à cookies tellement elle riait. - Vous moquez pas ! s’énerva Tsukiyo. Je suis sûre que c’est des fantômes ! Vais trouver des preuves !
La petite quitta la pièce en sanglots. Nijie soupira. C’était toujours comme ça ces temps-ci. Kazunari n’en avait que pour Honda-san ou était à la Johnny’s, les parents travaillaient, et Michiko et Tsukiyo faisaient des leurs. Michiko était d’ailleurs déjà en train de fouiller les placards à la recherche d’autres grains de café. Tomohisa était souvent à la maison, mais il n’aidait pas beaucoup. L’adolescent prenait un malin plaisir à ramener des sachets de café en cachette à Michiko. Il avait même voulu montrer un film d’horreur à Tsukiyo l’autre jour, et Nijie avait récupéré les pots cassés quand la petite avait fait une crise de colère face au refus de l’ainée de regarder le film. Nijie jouait sans cesse le rôle de parent. Tomohisa entra justement à ce moment dans la cuisine Ninomiya. Il rentrait toujours dans la maison comme dans un moulin. Nijie en profita pour fuir.
- Cet aprem, t’es de corvée, dit-elle en quittant la pièce. - Bah…, s’étonna Tomohisa, tu rends ton tablier ?
Nijie ne prit pas la peine de répondre. Elle voulait simplement prendre l’air un moment. Elle reviendrait probablement dix minutes plus tard, rongée par la culpabilité. Elle entendit de loin Tomohisa demander à Michiko « Michi, tu veux du café ? Tonton Tomo t’en a ramené ! ». Elle roula des yeux. Elle ne se donnait pas cinq minutes. Si Tomohisa rendait sa sœur totalement droguée, elle ne donnait pas cher de sa peau.
Une fois dehors, elle se balada au bout de la rue. L’air faisait du bien, la solitude également, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser à ses petites sœurs qui avaient besoin d’elle. Tsukiyo était probablement toujours en train de pleurer. Elle fit demi-tour, mais faillit bien cogner une pauvre femme dans son élan.
- Oh, excusez-moi, je ne vous avais pas vue !
La femme parut sourire derrière son masque chirurgical. Nijie se sentit tout de suite oppressée. Elle se dit qu’Honda-san devait être dans la rue, sur le chemin de sa maison.
- Ne vous inquiétez pas. Vous êtes une jeune fille bien polie, en tout cas. Le compliment embarrassa Nijie. Elle s’inclina. - Non Madame, c’est vous qui êtes trop polie !
Elle se releva. Un brin de malice éclatait dans les yeux de l’inconnue. Nijie remarqua alors sa grande beauté. Elle avait les cheveux au carrés, roux. Son visage était d’une douceur infinie.
- Je m’appelle Mayumi Sada, ravie de te rencontrer.
Nijie s’inclina de nouveau.
- Ninomiya Nijie, ravie de vous rencontrer. - Dis-moi, suis-je belle ? demanda la femme aussi naturellement que si elle demandait la météo. - Eh ?
Si Nijie avait été embarrassée auparavant, sa gêne atteignit le ciel. Elle était belle oui, mais elle n’allait pas lui dire ça quand même ?
- Eh bien, vous l’êtes oui, comme tout le monde, dit-elle avec un sourire. - Donc je suis… comme tout le monde ? Ordinaire ?
Nijie ne savait plus où se mettre.
- Eh bien oui… je suppose… d’une certaine manière…, murmura-t-elle, totalement perdue.
La sensation d’oppression se faisait de en plus en plus forte. Elle avait froid et la nausée.
- Je vois… je suis… ordinaire, chuchota Mayumi Sada, avant de quitter les lieux précipitamment.
Nijie voulut courir après la femme, s’excuser d’une telle impolitesse, mais elle eut le tournis. Quand elle retrouva ses esprits, Michiko était à côté d’elle, un énorme sachet de café menaçant de tomber de ses petites mains.
- Tonton Tomo m’a fait un cadeau, dit Michiko, tout sourire, avant d’humer le café à plein nez.
Partie III : Hiver 1998.Les disparitions d’enfants étaient maintenant au nombre de plusieurs par semaine. Les corps étaient retrouvés petit à petit, provoquant une véritable furie dans tout Tokyo. Nijie, elle, était à cran. La sensation d’oppression ne se résumait plus désormais qu’à Honda-san. Il lui arrivait de poser les yeux sur un enfant dans la rue et de ressentir de nouveau ce froid en elle. Quelques jours après, l’enfant serait retrouvé mort. Nijie en faisait des cauchemars. Dans ses songes, des fantômes argentés la poursuivaient. Ils finissaient par s’en prendre à sa fratrie tandis qu’elle restait sans défense. Elle se réveillait, glacée, tétanisée. Elle avait fui plusieurs fois le domicile familial en pleine nuit pour envahir la chambre de Tomohisa. Ils finissaient par compter les étoiles fluorescentes qui parcouraient le plafond du jeune homme jusqu’à ce que Nijie s’endorme. Tomohisa ne lui avait rien demandé, pas une seule fois, et Nijie lui en était reconnaissante. Quand elle quittait la maison de nuit, il lui semblait parfois apercevoir une ombre au coin de la rue, soupoudrée d’une chevelure rousse. Cette pensée agitait encore plus ses rêves. Le jour, elle devenait irascible. Kazunari avait bien essayé de lui demander deux ou trois fois quel était son problème, mais il n’était jamais présent assez longtemps pour qu’ils aient une véritable conversation, et plus le temps passait, plus Nijie ne savait pas comment aborder le sujet.
- Niji-nee…, s’approcha Tsukiyo de sa sœur un jour. Je crois que j’ai trouvé un plan pour les fantômes. - Pardon ? s’étonna Nijie.
Tsukiyo était la seule à avoir suffisamment insisté auprès de Nijie pour recevoir l’ombre d’une explication. Malgré son âge, la petite avait tout de suite accepté les sentiments de sa sœur comme véridiques.
- Je crois qu’il faut qu’on campe devant chez la copine de Kazu, dit Tsukiyo. - C’est pas sa copine, il se bouge pas un pec, répondit Nijie du tac au tac. Au train où il en était, Kazunari n’aurait pas de copine avant ses trente ans. - Mais si tu penses que y’a un truc bizarre chez elle, alors on doit y aller, insista Tsukiyo.
Nijie ne pouvait s’empêcher de penser que l’idée de sa cadette tenait la route. Mais aucune chance qu’elle embarque sa petite sœur chérie encore plus qu’elle ne l’était. Elle regrettait déjà de lui avoir dévoilé ses problèmes actuels.
- D’accord, mais toi tu ne viens pas, déclara Nijie. - Mais… mais c’est pas juste ! s’époumona Tsukiyo, déjà prête à sortir les grandes eaux.
Nijie attrapa sa petite sœur bien fermement par les épaules et la força à la regarder dans les yeux.
- Tsuki, il y a des choses que tu ne peux pas encore faire, car tu es encore une petite fille, expliqua-t-elle avec tout le calme dont elle était capable.
- Suis pas petite. Suis presque aussi grande que Michi. - Vous avez cinq ans d’écart. - … Pareil. - Tsuki. Je vais y aller avec Kazu, d’accord ? Toi, tu t’occupes que Michi ne boive pas de café, d’accord ? - C’est ma mission ? - Oui voilà, c’est ta mission, Tsuki. Sauve Michi du café ! - J’suis dessus !
Et Tsukiyo s’échappa comme une furie. Nijie rit de son plan si bien accordé. Elle entendit la porte d’entrée s’ouvrir. Kazunari était rentré. Nijie prit une grande inspiration. Il était temps de mettre cartes sur table. Elle se rendit dans le hall d’entrée.
- Yosh, Kazu, bien dansé aujourd’hui ? dit-elle en faisant des pistolets avec ses mains. Kazunari rit devant sa bêtise. - Ça faisait longtemps que tu ne m’avais pas accueilli, quelle mouche t’as piqué ? demanda-t-il, tout heureux de cette complicité retrouvée. - Toi et moi, on part en mission ce soir, déclara Nijie d’un ton désinvolte, alors que tout son être tremblait. Elle craignait la réaction de Kazunari plus que tout. - Ah ouais ? Mission sushis ? rit Kazunari.
Nijie ne put s’empêcher d’accompagner son rire. Kazunari et Nijie étaient réputés par leurs pairs pour faire les quatre-cent coups. Ils avaient volé plusieurs sacs de riz rond dans les magasins de proximité, en agissant toujours avec désinvolture. Les vendeurs ne se rendaient jamais compte de rien, et les parents Ninomiya n’avaient toujours pas remarqué le placard débordant de riz à sushi qui menaçait de s’effondrer.
- Pas exactement, se reprit Nijie. Faut que je te parle d’un truc, c’est important, et j’ai besoin que tu m’écoutes. Kazunari fronça les sourcils. Les jumeaux n’étaient pas du genre à s’épandre en sentiments.
- Ouais, bien-sûr, dit Kazunari, un peu effrayé par la tournure que prenaient les événements.
Une boule se forma dans la gorge de Nijie. Kazunari remarqua son air embêté.
- Je t’écoute, Niji, dit-il, son regard franc planté dans le sien. - Je…, je… Sa voix tremblait. - Qu’est-ce qu’il y a ? continua Kazunari, inquiet. - Je…, ça fait quelques temps tu sais… quelques temps que je ressens des choses, des sensations. - T’as flashé sur quelqu’un ? - Quoi ? Non, non ! - Ah. Moi qui pensais que y’avait un truc avec Tomo, me suis gouré on dirait.
Nijie grimaça à l’idée qu’on puisse penser qu’il y avait romance possible entre elle et son meilleur ami.
- Bon, c’est quoi le problème alors ? reprit Kazunari. C’est quoi que tu ressens ? - Quand je vois Honda-san… et c’est arrivé avec d’autres personnes aussi… mais je ressens des choses… froides, et c’est comme si j’étouffais.
Elle s’arrêta, tremblante, les larmes aux yeux. Cela faisait du bien d’exprimer enfin à sa moitié ce qu’elle ressentait depuis si longtemps. Ils allaient pouvoir régler le problème à deux. Avec Kazunari, ils étaient une équipe. Tout irait bien, maintenant.
- Donc tu ressens… de la jalousie, c’est ça ? demanda Kazunari lentement, le regard baissé.
Le ton calfeutré de son frère interpella Nijie. Quand Kazunari leva les yeux, ils étaient plein de colère.
- Je me fais une amie et tu me fais une crise de jalousie, c’est ça ? C’est pour ça que tu me parles quasi plus ? Pour une histoire de fille ? pesta Kazunari.
Nijie n’en croyait pas ses oreilles. Ce n’était absolument pas ce qu’elle avait voulu dire. Et l’éviter ? C’était lui qui n’était jamais présent ! Le caractère bien trempé des Ninomiya ressortit comme un boomerang. L’angoisse qu’elle avait ressentie se mua en fureur.
- Jalouse ? D’Honda-san ? Mais j’en ai rien à faire que tu veuilles sortir avec, mon pauvre Kazu ! Je m’inquiète juste à cause de ces sensations ! Puis t’éviter ? T’es jamais là ! Je m’occupe de la maison toute seule car toi et les parents, vous êtes toujours barrés ! - Je fais ce que j’aime, affirma Kazunari d’une voix sourde. Je pensais que ça te ferait plaisir. Bien-sûr que ça lui faisait plaisir. Mais si cela signifiait perdre son frère, elle n’était pas certaine d’autant approuver sa décision. - Je serais peut-être plus heureuse pour toi si tu ne t’étais pas transformé en petit pédant colérique ! hurla presque Nijie. - C’est moi qui suis pédant et colérique ? Et c’est Madame-je-fais-tout-comme-une-grande-mais-je-ne-suis-qu’une-petite-fille-en-pleine-crise-de-jalousie qui me dit ça ? C’est la meilleure ! - Je ne fais pas une crise de jalousie, à la fin ! J’ai vraiment des sensations ! Et tu me croirais, si t’étais pas aussi borné ! Oh et puis va te faire voir, j’vais la faire toute seule ma mission, j’ai pas besoin d’un crétin !
Nijie s’éloigna à grandes enjambées vers sa chambre, Kazunari sur les talons.
- Et c’est quoi ta super mission ? Tu vas aller te faire hypnotiser pour te faire dire que ce que tu éprouves, c’est de la JALOUSIE de gamine ?! s’exclama Kazunari.
Sa voix de crécelle résonna dans toute la maison. Du coin de l’œil, Nijie vit Michiko et Tsukiyo les espionner, effrayées, derrière une armoire.
- Nan je vais aller chez Honda-san et camper devant, car je sais que y’a un truc qui va pas ! - Tu vas l’espionner ? Mais t’es complétement tarée en fait ! Nijie se retourna si vite qu’elle buta dans Kazunari. - Regarde où tu marches, au moins, barjo ! s’énerva le garçon. - J’suis pas tarée, déclara Nijie, la voix étrangement basse pour une Ninomiya. J’ai ressenti ces choses en regardant plein de gens, qui sont morts après. Il faut que je comprenne ce qu’il se passe. - Qui… qui est mort ? demanda Kazunari, sonné. - Laisse tomber, la gamine jalouse dégage. Passe une bonne soirée. Kazunari ne suivit pas sa sœur quand celle-ci claqua la porte d’entrée. Partie IV : Hiver 1998.Nijie attendait depuis trois heures devant la maison d’Honda-san. Elle commençait à sérieusement se demander si elle ne devait pas rentrer. Mais Kazunari devait être chez eux en ce moment-même. Cette pensée poussa Nijie à rester. Elle n’avait aucune envie de se retrouver face à son jumeau. Il la prendrait encore pour une cinglée. Et s’il avait raison ? Nijie soupira. La personne sur laquelle elle comptait le plus l’avait complétement lâchée. Elle se sentait encore plus seule qu’avant. Elle ne pouvait s’empêcher d’astiquer d’une main la pièce fétiche qu’elle partageait avec Kazunari. C’était une pièce en ferraille qu’ils avaient trouvée ensemble quand ils avaient cinq ans. Depuis, ils en étaient les gardiens tour à tour. Malgré sa rage, Nijie ne pouvait s’empêcher de souhaiter que son frère soit là.
Une ombre attira son attention. Bien cachée dans son buisson avec ses jumelles dénichées dans le garage Ninomiya, Nijie observait une tignasse rousse roder devant la maison d’Honda-san. Mayumi Sada. Elle portait toujours son masque chirurgical. Nijie fronça les sourcils. Etait-elle tout le temps malade ? Et que faisait-elle ici à cette heure ? La sensation désagréable devenue habituelle revint se loger au creux de sa gorge.
Honda-san fit son apparition. Elle avait toujours le même air de jeune fille sage. Quand Mayumi Sada fit tomber son mouchoir par terre, Honda-san se pressa de lui ramasser. Puis Mayumi et Honda-san parurent parler un peu. Nijie reconnut le même regard surpris sur le visage d’Honda-san qu’elle avait dû elle-même arborer lors de sa rencontre avec la rouquine. Honda-san s’empressa ensuite de hocher la tête. Mayumi enleva son masque chirurgical. Nijie resserra son étreinte sur ses jumelles. Les lèvres de Mayumi s’étendaient en fentes le long de ses joues, laissant découvrir ses dents. Nijie se sentit plus oppressée que jamais. De son côté, Honda-san avait l’air pétrifiée. Nijie tenta tant bien que mal de se mettre sur ses jambes mais l’adolescente tremblotait comme une feuille. Son poing serrait la pièce tellement fort qu’elle sentit la peau s’ouvrir sous ses ongles. Quand elle vit Mayumi sortir une lame de rasoir de sa poche de manteau, Nijie courut sur ses jambes fragiles.
- Mayumi-san ! hurla-t-elle.
La femme tourna le regard vers elle, sa lame de rasoir à la main. Elle esquissa un sourire mauvais. Le sang de Nijie se glaça. Elle ne serait jamais à temps. Et Honda-san restait pétrifiée. Mayumi leva la lame, son regard amusé toujours fixé sur Nijie, et trancha la gorge d’Honda-san d’un coup sec.
Nijie hurla de terreur.
Mayumi garda les yeux fixés sur elle tandis qu’Honda-san s’effondrait au sol. Le sang dévalait déjà sur le parvis. Nijie ne pouvait éloigner son regard de cette vision. Les larmes coulèrent sans qu’elle ne s’en rende compte. Elle ne savait si elle était triste, terrorisée, nauséeuse… tout se bousculait. Et cette sensation d’oppression ne la quittait pas. Elle avait froid. Elle voulait rentrer, se loger dans les bras de Kazunari, s’excuser pour qu’il la rassure et ne plus jamais quitter la maison.
- Tu es une jeune fille bien particulière, dit Mayumi en penchant la tête sur le côté, comme si elle cherchait à comprendre le puzzle qu’était Nijie pour elle.
Nijie posa le regard sur Mayumi. Il lui semblait toujours voir des tâches de sang dans son champ de vision.
- Vous… vous… vous…, Nijie ne trouvait pas ses mots. Elle était sur le point de s’évanouir. Mayumi s’approcha d’elle. Elle observa sa main en sang. - Tu m’as dit que j’étais ordinaire, dit Mayumi en étendant un sourire. Tu m’as dit que j’étais comme tout le monde. Toi, tu n’es pas comme tout le monde. Après une scène pareille, Nijie n’était pas sûre de revenir un jour à la normalité. - Ça m’énerve, déclara Mayumi en levant son rasoir vers Nijie.
Nijie eut pour toute réaction de bloquer le bras de Mayumi alors que le rasoir n’était qu’à quelques centimètres de son visage. Mayumi hurla de douleur. La pièce en ferraille avait touché son bras et la brûlait. Elle s’écarta vivement et laissa tomber le rasoir au sol. Elle gifla Nijie qui tomba au sol sous la force du coup. La jeune fille se retrouva nez à nez avec le visage sans expression de Honda-san. Quand elle put enfin lever les yeux, Mayumi avait disparu. Son rasoir ensanglanté gisait au sol, abandonné.
Partie V : Hiver 1999.Le visage collé contre la fenêtre, Nijie observait les flocons de ce début janvier s’évaporer dans l’air au dehors.
- Je pense qu’il serait bon pour votre fille qu’elle s’éloigne un moment, dit la psychiatre de son habituel ton doucereux. - La police a dit à la presse que Nijie n’était pas responsable de ce qui s’était passé, je ne vois pas pourquoi…, commença la mère Ninomiya, paniquée à l’idée d’être séparée de sa fille.
Malgré son air inattentif, Nijie tendait l’oreille comme jamais.
- Même si d’un point de vue officiel Nijie-chan n’a rien à se reprocher, interrompit la psychiatre, nous savons que les gens peuvent être d’une grande cruauté parfois. Ça serait la protéger que de l’éloigner de Tokyo un temps. Je ne parle que de l’affaire de quelques mois. Juste pour finir l’année scolaire. La mère s’apprêtait à répliquer de nouveau, mais son mari fut plus rapide.
- Penses-y, cela protégerait Kazunari, Tsukiyo et Michiko aussi. Il faut penser au bien de tout le monde, argumenta-t-il. - Je suppose que vos enfants sont toujours assez choqués par les événements, n’est-ce pas ? demanda la psychiatre.
Nijie savait très bien ce qu’elle cherchait à faire. Eloigner la source du problème pour que chacun retrouve une vie normale. Sauf elle, rien ne serait plus pareil.
- Ils sont en effet… secoués. Surtout Kazunari, il était ami avec H… la défunte, dit la mère. - Je vois. Comment sont tes relations actuelles avec ton frère, Nijie-chan ? Nous n’en avons pas parlé depuis longtemps.
Nijie faillit rire jaune.
- Je crois que les pays de la deuxième Guerre Mondiale avaient de meilleures relations que moi et Kazu en ce moment, dit-elle avec un sourire ironique. - Nijie ! On ne plaisante pas avec la guerre ! la réprimanda le patriarche Ninomiya. - Non, c’est bon, Ninomiya-san, intervint la psychiatre, son regard concentré sur Nijie. Il ne faut pas réprimer ses réactions. Ce qu’elle dit là est très intéressant. - Vous avez fini de me prendre pour une bête de foire ? demanda Nijie, franchement agacée qu’on fasse comme si elle n’était pas là. - Nous essayons de savoir quelle est la meilleure façon de procéder après ce qu’il s’est passé, Nijie, dit le père. Ne te comporte pas comme une enfant. - La meilleure façon de procéder aurait été de me croire, cracha Nijie. Je ne me comporte pas comme une enfant, je sais ce que j’ai vu. - Je ne crois pas, non, répondit le père. Aux dernières nouvelles, les fantômes n’existent pas, et les gens ne disparaissent pas au contact de la ferraille. Tu as été à l’évidence très choquée, et nous devons savoir ce qui est mieux afin de… - De faire comme si de rien n’était ? répliqua Nijie. Oh on peut le faire ça, je trouve que quitter Tokyo est une très bonne idée, faisons ça.
Nijie n’oublierait jamais le regard ébahi que ses parents lui avaient porté. Ils n’avaient jamais paru aussi minuscules.
C’est ainsi que quelques jours plus tard, il avait été établi qu’elle partirait vivre pour quelques temps chez son oncle et sa tante à Tottori. Ils avaient décidé de n’annoncer la nouvelle qu’au dernier moment au reste de la fratrie, afin que Tsukiyo et Michiko ne soient pas trop choquées à l’avance. Nijie n’avait pas bronché. Elle ne parlait de toute façon à personne, ces temps-ci, elle restait cloitrée dans sa chambre à se repasser la mort d’Honda-san en boucle. Elle aurait pu faire quelque chose, elle en était certaine. Et qu’était-il arrivé à Mayumi Sada ? Nijie avait observé la pièce fétiche sous tous les angles, mais c’était une pièce en ferraille tout ce qu’il y avait de plus ordinaire. Elle ne comprenait franchement pas ce qu’il s’était passé. Peut-être qu’après tout, elle avait vraiment subi un choc. Même la sensation d’oppression à laquelle elle avait fini par s’habituer l’avait quittée depuis ce jour-là. Mais au fond d’elle, elle savait que la scène avait bien eue lieu, et c’était bien ce qu’il lui faisait le plus peur. Si ce genre de choses existait, qu’est-ce que le monde cachait d’autre ? Cette simple idée la terrifiait.
Kazunari entra dans sa chambre à la seconde où elle ferma sa valise.
- Tu te casses, alors ? demanda-t-il, accusateur.
Nijie soupira, elle aurait aimé éviter cette conversation.
- C’est ce qui a été décidé, dit-elle en prenant sa valise en main.
Kazunari bloquait le passage de la porte.
- Tu peux me laisser passer, s’il te plait ? demanda Nijie, sans expression. - Tu ne vas même pas assumer ? - J’ai rien à assumer, répondit la jeune fille. - Vraiment ? Donc t’y es pour rien dans la mort d’Honda-san ? - Je l’ai pas tuée. J’aurais jamais fait ça. - Evidemment que non. Mais y’a un truc que t’assumes pas. Tu peux te planquer tant que tu veux derrière tes sensations à la con et tes histoires de fantômes, mais tu m’auras pas.
Le ton de Kazunari était glacial. Nijie lâcha sa valise dans un grand bruit et l’empoigna par le col. Le visage à quelques centimètres du sien, son frère ne bronchait pas. Ils avaient toujours été d’un naturel têtu.
- Je ne me planque pas, justement, murmura Nijie, menaçante. Je ne cache rien. C’est les abrutis dans ton genre qui se planquent derrière des excuses.
Elle le lâcha, prit sa valise et dévala les escaliers à toute vitesse avant de sortir de la maison. Elle entendit simplement Tsukiyo crier « Nijie-nee » en sanglots avant que le moteur ne démarre, et Nijie se força à ne pas jeter un regard en arrière.
Partie VI : Décembre 2017.Nijie n’avait qu’une hâte : rentrer chez elle pour pouvoir balayer le sable de ses chaussures. Heureusement, le ryokan n’était plus qu’à quelques mètres. Quelle idée avait-elle eu d’aller se balader sur les dunes quand elle devait travailler le soir-même ? Mais elle aimait tellement ces dunes… cette sensation de liberté, voir tous ces touristes heureux… et puisque Nijie s’était promis de ne jamais quitter Tottori, c’était le seul grand espace naturel du Japon qu’elle verrait jamais, alors autant en profiter. Nijie entra dans le ryokan en se faisant toute petite, mais sa tante la repéra bien vite, habituée à ses escapades.
- Nijie ! 34 ans et toujours fourrée le nez dehors quand il y a du travail ! Les onsen ont besoin d’être nettoyés ! s’exclama celle-ci avant de repartir vers la réception. - Oui, oui, ma tante, répondit Nijie avant de déambuler sans envie vers les fameux onsen.
Il était étrange de penser qu’au final, Nijie avait vécu plus longtemps dans le ryokan de son oncle et sa tante plutôt que chez ses propres parents. S’habituer n’avait au début pas été facile. Shota et Mikan Ninomiya étaient des personnes adorables qui avaient tout fait pour prendre correctement la jeune fille sous leurs ailes. Quand le père de Nijie avait décidé qu’il serait mieux que celle-ci finisse le lycée à Tottori (soi-disant pour son propre équilibre), ils l’avaient gardée chez eux avec sourire. Quand Nijie avait reçu son diplôme, c’était elle qui avait décidé de son plein gré de ne pas retourner à Tokyo. Si sa mère avait été triste, elle qui venait lui rendre visite aussi souvent que possible, son père n’avait pas émis d’objection. Il avait cependant failli faire une syncope quand Nijie avait annoncé ne pas vouloir poursuivre ses études. Depuis, Nijie n’avait pas eu de nouvelles. Au final, elle n’avait gardé contact qu’avec Tomohisa (car celui-ci s’était littéralement invité chez elle deux mois après son départ et n’avait voulu partir qu’après une explication et une promesse de rester amis) et sa mère, même si leur relation n’allait plus que dans un sens. Même si la femme montrait de l’affection envers sa fille, Nijie avait des difficultés à s’investir avec quelqu’un qui la croyait malade. Shota et Mikan l’avaient en revanche toujours traitée comme une égale. Ils n’avaient pas été très heureux de sa décision de ne pas aller à l’université, mais Nijie savait qu’ils étaient secrètement soulagés qu’elle soit restée à Tottori. N’ayant pas pu eux-mêmes avoir d’enfants pour des raisons médicales, Nijie avait comblé ce vide. Et elle les aidait maintenant au ryokan.
Nijie consacrait son temps libre à sa profession : chasseuse de fantômes. Une activité qu’elle exerçait en secret sous le pseudo sans originalité « Code ». Nijie n’avait plus jamais ressenti cette sensation qui l’avait gagnée durant cette période si noire, mais cette histoire n’avait pas fini de l’obséder pour autant. Nijie avait effectué des tonnes de recherches sur les fantômes. Tottori avait eu une histoire similaire aux meurtres d’enfants de Tokyo. Ils avaient même érigé une statue en référence à cet événement. Nijie avait construit elle-même son EMF et avait parcouru tous les coins de Tottori avec. Aucune interférence. Elle avait tout de même décidé de se lancer. Elle avait reçu beaucoup de personnes et n’avait décidément jamais vu d’autre fantôme depuis Mayumi Sada. Mais elle avait tout de même pris leur argent et les avait rassurés avec un show improvisé pour faire croire à l’évacuation d’un fantôme. Cela suffisait au bonheur de ces gens un peu trop sensibles et superstitieux. Ils avaient juste besoin que quelqu’un les croit, et c’est ce que leur offrait Nijie.
Dans sa réflexion, Nijie n’avait pas remarqué l’ombre qui se projetait sur l’onsen qu’elle était actuellement en train de nettoyer. Elle ne fit pas non plus attention à sa gorge qui commençait à s’oppresser comme elle ne l’avait plus fait depuis bien longtemps…
- Oh, excusez-moi, commença-t-elle en se relevant vers le client, vous en avez un disponible au fond du cou…
Nijie stoppa net. Déjà ce n’était un client mais une cliente. Et la jeune fille aurait reconnu cette chevelure rousse même en dormant… - Mayumi Sada…, chuchota-t-elle, trop choquée pour ajouter autre chose.
La femme n’avait absolument pas changé, un miracle pour les presque vingt ans qui s’étaient écoulées. Ses cheveux étaient toujours aussi soyeux, son regard toujours aussi doux, son masque chirurgical aussi soigneusement appliqué qu’auparavant.
- Ninomiya-san… je t’ai cherchée pendant longtemps. J’ai mis du temps à guérir, mais je peux aujourd’hui me tenir devant toi sans honte, déclara Mayumi Sada du même ton qu’elle avait autrefois.
Le sang de Nijie était glacé, ses membres endoloris. Sous ses yeux, elle avait l’impression de revoir encore et encore le sang qui giclait de la gorge d’Honda-san.
- Je demande si…, débuta Mayumi-san avait de lever une main vers Nijie.
Nijie la bloqua. Mayumi-san parût sourire derrière son masque.
- Tu es toujours… particulière. Mais cette fois, je ne te laisserai pas te mettre en travers de mon chemin.
- Considère ceci comme un avertissement, dit Mayumi Sada avant de disparaître. Nijie se laissa tomber aux pieds du onsen, en larmes.
Partie VII : Février 2018.
Un enfant avait disparu. Nijie savait que ça ne serait que le premier d’une longue liste. Si la police cherchait un coupable, Nijie ne doutait pas de la responsable. Mayumi Sada avait été on ne peut plus claire quant à ses intentions. La seule bonne nouvelle, c’était qu’elle n’avait toujours pas remis les pieds au ryokan. Néanmoins, Nijie ne savait toujours pas quoi faire. Malgré toutes ses recherches effectuées toutes ces années au cas-où Mayumi Sada ou un fantôme ressemblant se manifeste, elle était perdue et tétanisée. Nijie était persuadée que Mayumi Sada était une Kuchisake-onna, cette légende d’une femme de samurai volage qui avait été assassinée par son mari. Mais ce conte urbain possédait différentes versions, et comment être sûre que Mayumi Sada soit la seule ? N’était-elle que la partie visible de l’iceberg ?
Nijie endurait nuit blanche sur nuit blanche à escamoter la ville avec son EMF, à la recherche d'une trace de l'ange vengeur. Elle rentrait malheureusement toujours bredouille. Elle avait également réouvert le dossier “Mayumi Sada” qu'elle avait commencé des années auparavant. De ce côté là aussi, les résultats étaient au point mort. C’était comme si la femme n’avait jamais existé. Si la légende disait vrai et qu’elle était née durant l’ère Edo, les traces de son existence avaient dû être effacées… Nijie commençait à désespérer, en plus d'être prise de terreur à l'idée de devoir agir face à Mayumi. Elle avait toujours la pièce, et avait lu des recherches stipulant que le fer freinait les fantômes, mais sur le long terme, cela ne les tuait apparemment pas. Elle n'avait aucune idée du temps qu'il avait fallu à Mayumi pour retrouver conscience après la mort d'Honda-San et leur altercation, mais une disparition temporaire n'était plus à l'ordre du jour. Nijie devait trouver comment s'en débarrasser une fois pour toutes. Les journées passaient dans la frayeur de nouvelles morts d'enfants, et Nijie avait l'impression de voir le visage de tous les enfants morts, à Tokyo et Tottori, durant les courtes périodes de sommeil qu'elle s'accordait. Cette angoisse persista un dimanche de février, au retour de Nijie du temple, où elle croisa une mère et son fils bambin. L'oppression fut plus forte que jamais, obscurcissant son champ de vision par sa puissance. Nijie tomba, au bord de la perte de conscience, et une voix timide de petit garçon la ramena sur Terre.
- Madame ? Vous allez bien, Madame ? demanda le petit ton inquiet.
Nijie releva les yeux vers des prunelles chocolat et des cheveux en pagaille. On voyait plus de sable que de peau sur l'enfant, signe qu'il avait passé beaucoup de temps à jouer dans les dunes. Nijie eut froid. Elle inspecta les environs. Pas de Mayumi Sada. La sensation ne pouvait présager qu'une seule chose…
- Oui, oui… Ça va je crois… je suis désolée…, réussit à articuler Nijie.
Cette rencontre lui avait fait l'effet d'une bombe. Comme pour Honda-San, comme pour les enfants à Tottori, ce petit garçon était destiné à mourir. Mais Nijie n'avait pas l'intention d'être faible cette fois-ci. Trop choquée pour se relever, ce fut la mère du petit garçon qui lui tendit une main salvatrice. Elle avait de longs cheveux bruns, les yeux dont avait hérité son fils et le sourire le plus bienveillant qui soit.
- Ne vous inquiétez pas, Madame, s’exclama-t-elle. Vous devriez rentrer vous reposer. C'est dimanche après tout, n'est-ce pas ? Je m'appelle Ren Arisa. Et voici mon fils, Kakeru. - Bonjour ! dit Kakeru, tout sourire. - Rentrez vite chez vous vous reposer. Ce n'est pas trop loin ? Vous avez besoin qu'on vous accompagne ? demanda Ren, concernée par la pâleur du visage de Nijie. - Non, non, ça va…, répondit la tokyoïte d'une toute petite voix, désarçonnée par tant de bonté. - Allez, bonne journée à vous, Madame ! s'exclama Kakeru en prenant la main de sa mère.
Ce ne fut que quand ils commencèrent à s'éloigner que le cerveau de Nijie rattrapa l'urgence de la situation. Elle devait leur dire, elle devait tout faire pour les sauver, même si elle n'avait aucune idée de comment.
- Ren-San ! Attendez-moi ! cria-t-elle, à leur poursuite. Partie VIII : Mars 2018.Nijie croulait sous les demandes. Trois enfants de Tottori avaient disparu et quelques familles commençaient à se tourner vers le surnaturel pour trouver des réponses. Le petit Kakeru Ren n’en faisait pas encore partie, mais Nijie savait que ce n’était qu’une question de temps. Malheureusement, Ren-san avait été ferme quant aux insinuations de Nijie et avait refusé tout contact. Nijie ne savait pas quoi faire pour les aider. Et si ce petit garçon finissait lui aussi par mourir ? Et si elle ne pouvait pas le sauver, comme elle n’avait pas pu sauver Honda-san ?
- Qu'est-ce que tu comptes faire pour ce petit garçon ? lui demanda sa tante un soir où Nijie était d'aide à la réception.
Avec l'arrivée des beaux jours, le ryokan recevait de nombreux touristes Japonais et étrangers ces jours-ci, une autre contrariété dans l'esprit déjà confus de Nijie.
- Pardon, ma tante ? demanda Nijie en tendant un guide des célèbres dunes de Tottori à un client.
La jeune fille était des plus étonnées. Elle n'avait jamais parlé de fantômes avec Shota et Mikan. Et ils avaient encore moins évoqué tout ce qui concernait Mayumi Sada ensemble. Mais sa tante n'était pas dupe et profita du répit temporaire pour continuer son investigation.
- Tu crois vraiment qu'on ne te connaît pas ? dit celle-ci en soupirant. Tu n'es pas très discrète quand tu es inquiète, ni quand tu es sur une affaire. On le sait depuis le début, ta profession, ma chérie… et je sais que la femme que tu n'arrêtes pas de contacter refuse ton aide. - Mais… - Si tu ne voulais pas que je t'en parle, tu n'avais qu'à pas fouiner dans l'annuaire de l'hôtel pour trouver ses coordonnées, Nijie, insista sa tante.
Elle se radoucit en voyant l'air coupable sur le visage de sa nièce.
- Fais comme tu le sens. Mais pose-toi la question de si tu peux vraiment les aider… Je ne veux pas que tu te mettes en danger. - Je ne me mets jamais… - Honda-san, c'était du danger. - Comment tu…
Un client coupa court à leur conversation, mais cela n'empêcha pas Nijie d'y repenser sans cesse. Son oncle et sa tante avaient toujours su, et ils l'avaient tout de même acceptée. Ils n'avaient pas l'air de la prendre pour une folle, ils voulaient simplement qu'elle soit en sécurité. Mais pour la jeune fille, la sécurité du petit Kakeru passait avant la sienne. Elle décida d’aller l’attendre à la sortie de son école dès le lendemain. Il n’y avait qu’une école primaire dans le quartier de Nijie, proche des dunes, et elle espérait de tout cœur que ça soit celle du petit Kakeru. Elle attendit de pied ferme devant les portes, angoissée à l’idée que Ren-san la remarque et la congédie. Pire, la pauvre femme allait finir par demander une ordonnance restrictive si elle se sentait menacée par Nijie. A vouloir jouer la carte de la vérité, Nijie avait encore fini par passer pour une folle. La petite tête brune de Kakeru apparut parmi ses camarades, souriant. Encore une fois, Nijie fut sur le point de tourner de l’œil. Mais une force surhumaine la poussa à tourner les yeux. Sous son regard, Mayumi Sada était agenouillée face à un enfant du même âge que Kakeru, bien cachée derrière son masque chirurgical. Aucune mère n’avait l’air d’attendre pour le petit garçon en question, et Nijie se précipita vers eux, sans aucun plan en tête. Mayumi Sada tourna le regard vers elle, malveillante, et Nijie était sur le point d’hurler à l’aide quand une main l’arrêta et la tira en arrière. Nijie se retrouva nez-à-nez avec Ren-san, qui ne semblait pas très heureuse de la savoir là.
- Je peux savoir ce que vous faites ici, Mademoiselle ? Je vous ai dit de rester loin de ma famille, s’exclama Ren-san, le ton dur.
Nijie essaya de se retourner vers Mayumi Sada, mais Ren-san la retint d’une main ferme.
- Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que vous restiez loin de mon fils ? continua-t-elle.
Nijie ne prit pas la peine de répondre et poussa violemment Ren-san qui glapit sous la surprise. Nijie entendit les murmures étonnés des passants tandis que Ren-san tombait au sol, mais elle ne s’attarda pas. Elle parcourut les environs du regard, mais ne vit pas Mayumi Sada ni le petit garçon. Elle s’éloignit en courant de l’école sans un geste d’excuse, et défila dans les rues. Les habitants l’observaient, terrifiés, mais Nijie n’avait pas le temps. Si elle pouvait empêcher la mort d’un autre pauvre enfant innocent, peu lui importait sa réputation. Elle regrettait l’oubli de son précieux EMF. Les secondes s’écoulaient, et Nijie pouvait presque entendre les aiguilles d’une horloge avancer. Emprunte de terreur, elle essaya une dernière rue avec espoir. Au loin, Mayumi Sada était de nouveau accroupie devant l’enfant de l’école. Son masque gisait au sol, et un objet brilla au soleil. Nijie reconnut de suite l’arme : un rasoir. Des flashes resonnèrent en elle. Une nuit particulière, une course effrénée, une arrivée trop tardive, un sourire carnassier… tout recommençait. Nijie fonça vers Mayumi Sada, la respiration forte, l’esprit embrouillé, mais le sang gicla et engloba sa vision.
Trop tard, trop tard, trop tard…
Mayumi se tourna vers Nijie, du sang éclaboussé sur son visage songeur. Nijie se jeta sur elle, et Mayumi tomba en arrière. Son regard démontra de la surprise, avant de se cacher derrière une fureur profonde. Nijie serra ses mains autour de son cou. Elle serra encore et encore, rongée par la haine, mais Mayumi Sada rit quand elle aurait dû haleter. Nijie s’arrêta, perplexe.
- On n’étrangle pas les morts, Ninomiya-san. Tu devrais le savoir, depuis le temps, susurra Mayumi Sada.
Nijie n’osa répondre. Elle avait toujours su que Mayumi était un fantôme, mais entendre la confirmation de la part de l’intéressée rendait les choses encore plus réelles, et encore plus terrifiantes.
- Je t’ai donné un avertissement, maintenant j’agis. Je sais ce que tu trafiques, déclara Mayumi avant de disparaître.
Les mains de Nijie brassèrent de l’air. Elle tourna les yeux vers le cadavre du petit garçon à ses côtés. Le sang coulait à flots de sa gorge pour former une rivière sur le trottoir. Nijie voulut hurler, mais aucun son ne sortit. Elle n’avait pas pu le sauver. Elle ne connaissait même pas son nom, comme elle ne connaissait pas le nom de la plupart des victimes de Mayumi Sada, mais elle aurait pu le sauver. Si elle avait été mieux préparée, si elle avait anticipé. Evidemment que Mayumi Sada saurait qu’elle essaierait de sauver la vie du petit Kakeru…
Kakeru.
Elle agirait.
Ni une, ni deux, Nijie se mit sur ses deux jambes et avança, tremblante, dans les rues de Tottori. Elle connaissait l’adresse de Ren-san, mais son cerveau était embrumé. Elle passa plusieurs rues, rencontra plusieurs passants qui la dévisagèrent du regard. Elle contempla ses mains ensanglantées, ses vêtements tachés par le sang du petit garçon anonyme.
Kakeru. Trouver Kakeru. Il y avait encore une chance. Elle s’écroulerait plus tard.
Elle s’engagea dans une ruelle pour atteindre la maison de Ren-san plus rapidement, et surtout sans risquer de rencontrer la police, qui dans son état, l’emmèneraient au commissariat. Pas de temps à perdre. Cette rengaine tournait en rond dans son esprit, menaçant de faire exploser ses propres tempes. Nijie se précipita en dehors de la ruelle, dans la rue de la maison de Ren-san.
Pas de Mayumi Sada à l’horizon. Seulement deux personnes. Ren-san, à genoux, la tête basse, et Kakeru dans une mare de sang. Ne pas s’écrouler, pas encore. Juste quelques minutes de plus…
Nijie s’approcha lentement, les yeux fixés sur Ren-san, la respiration saccadée, le corps entier oppressé. Mayumi Sada n’avait pas pu quitter la scène, pas si Nijie se sentait ainsi. La jeune fille fourra la main dans sa poche à la recherche de sa pièce fétiche. La même pièce à laquelle elle n’avait pas pensé quelques minutes plus tôt quand elle avait voulu étrangler Mayumi, emprunte par la rage. Elle tenta une main réconfortante sur l’épaule de Ren-san.
- Ren-san ? essaya-t-elle.
La mère releva les yeux et Nijie retira vivement sa main. Les lèvres de Ren-san étaient ouvertes sur l’étendue de ses joues. Le sang martelait son visage d’habitude si doux.
- On doit vous emmener aux urgences…, murmura Nijie, sous le choc.
Ren-san rit. Un éclat qui détonait avec la situation actuelle.
- Tu ne comprends donc pas, Ninomiya-san ? cracha-t-elle. Tu es arrivée trop tard. Kakeru est mort. Et moi aussi.
Nijie ne comprenait rien. Sa tête tambourinait. Elle essayait tant bien que mal de ne pas tourner la tête vers le corps sans vie du petit Kakeru. - Je suis désolée…, articula Nijie, les larmes lui montant aux yeux. Je suis désolée…
Ren-san se releva, rapide, et empoigna Nijie par le col.
- Les excuses, ça ne marche pas. Tu ne comprends pas comment ça fonctionne, n’est-ce pas ? Tu as fait de ma vie un enfer, Ninomiya-san. Maintenant je vais détruire tout ce à quoi tu tiens. Mayumi et moi, on va les tuer tous, un à un, jusqu’à ce que tu ne sois plus rien.
Nijie ne put répondre qu’elle fut poussée en arrière. Sa pièce tinta au sol. Elle atterrit sur le corps de Kakeru. Elle s’en écarta vivement avec un cri. Ren-san la toisait du regard, plus menaçante que jamais.
- Premier Avril, Johnny’s Jimusho. Sois à l’heure. J’effacerai les traces ici, ça serait dommage que tu finisses en prison avant qu’on ne commence, déclara Ren-san, glaciale, avant de disparaitre.
Nijie se jeta sur elle dans l’espoir de la retenir, mais sans succès.
Kakeru avait lui aussi disparu, avec les traces de sang qui tapissaient les vêtements et le corps de Nijie. L’oppression quitta le corps de la tokyoïte, et la nausée la prit. Il fallut quelques minutes pour que des voisins sortent de leurs maisons, alertés par les pleurs de la jeune fille.
Une femme d’un certain âge la récupéra au milieu de la route et essaya de comprendre le flot de paroles qui s’échappaient de ses sanglots.
- Kakeru… Ren-san, Mayu…mi…
La femme la prit chez elle, la nettoya, tenta de la calmer, mais Nijie était dans un autre monde. Elle s’effondrait. Deux enfants étaient morts par sa faute. Et Ren-san… que lui était-il arrivé ? Etait-elle devenue comme Mayumi Sada ? Elle avait disparu…
- C’est Mayumi Sada…, chuchota-t-elle toute seule tandis que sa bienfaitrice lui tendait un thé qu’elle ne prit pas. C’est Mayumi et Ren-san à la fois…
Nijie n’y connaissait pas grand-chose en possession, mais c’était la seule explication possible. Cette sensation qu’elle avait ressentie, elle s’apparentait à Mayumi, sans aucun doute. Mais les mots appartenaient à Ren-san qui, dépitée par la mort de son fils, allait accomplir la vengeance de Mayumi. Et tout ça parce que Nijie avait blessé le fantôme vingt ans plus tôt. Elle ne pouvait s’empêcher de penser que ces enfants seraient toujours en vie si elle n’avait pas sorti la pièce à la mort d’Honda-san. Sans doute, oui. C’était de sa faute, sa faute. Elle quitta la maison de l’étrangère sans un mot, toujours dans ses pensées. Elle ramassa sa pièce dans la rue, et rentra au ryokan. Shota et Mikan se précipitèrent sur elle quand ils virent son air brisé, mais Nijie connaissait la suite des événements. Elle ne laisserait ni Ren-san ni Mayumi Sada blesser qui que ce soit d’autre. Elle arrêterait de fuir. Elle arrêtait d’essayer inutilement. Elle réussirait. Elle serait forte. C’était la dernière fois qu’elle pleurait. C’était la dernière fois qu’elle se montrait faible.
- Il faut que je rentre à Tokyo, dit Nijie à son oncle et sa tante, sans écouter leur réaction.
Son téléphone vibra dans sa poche. Un appel de Tomohisa. Nijie avait déjà l’ébauche d’un plan.
| | | Mar 29 Juin - 22:44 | | | Ju-chan Jhonny's Jr Messages : 15
Age : 34
Localisation : Pas de Calais
Loisirs : Violon
| Bonjour, Je suis très curieuse de lire la suite. J’ai été absorbé par les deux premiers chapitres ^^ A bientôt | | | | | | | | | |
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